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devait se répandre sur toutes choses ; mais convenons qu’il avait grand besoin de son optimisme avec Bossuet.

Le malheur, c’est que cette impossibilité de s’entendre ne paraît pas être accidentelle, et qu’on ne saurait l’imputer tout entière aux personnes et aux circonstances. Elle paraîtrait tenir à la nature du catholicisme et du protestantisme, ou du moins à une manière très accréditée et très ordinaire d’interpréter l’un et l’autre. Or cette opposition de principes est loin d’avoir été effacée ou même atténuée dans ces derniers temps. Du côté de notre église en particulier, on est loin de s’être départi de la prétention à une autorité immuable, qui ne peut être acceptée de quiconque l’a un temps méconnue sans une rétractation au moins implicite, sans l’aveu positif que l’église romaine ne s’est jamais trompée, et c’est là une déclaration qui ne saurait être obtenue de la pure raison. Il faut pour y souscrire une foi dans laquelle la raison ne domine pas seule, et à moins que cette foi, produite par des causes qu’on tient volontiers pour surnaturelles, ne se soit emparée de l’âme, il est impossible au simple raisonnement de la susciter dans un esprit qui n’a pas été nourri au sein de l’unité catholique.

Ce principe de l’infaillibilité d’une seule église est ce qu’aucun protestant, s’il n’est touché par d’autres motifs qui ne se discutent pas, ne peut pleinement comprendre. En fût-il mille fois averti, il n’arrive jamais à croire sérieusement, complètement, qu’il subsiste une association d’hommes pourvus des facultés ordinaires, sujets aux communes faiblesses, ne manquant de rien pour être imparfaits, passions, amour-propre, ambition, légèreté, intérêts à défendre, pouvoir à conserver, et qui, représentans d’une institution qui se donne près de dix-neuf cents ans d’histoire, prétendent être restés en possession de la prérogative surhumaine de conserver sans interruption, sans restriction, sans mélange, le dépôt de la vérité parfaite, invariablement maintenue, infailliblement comprise. A priori, une telle prétention paraît en effet insoutenable, a posteriori, elle n’est pas susceptible d’une autre preuve que celle qui consiste à prouver la question par la question. Il ne faut donc pas s’étonner qu’elle trouve les protestans incrédules, et qu’en général, pour qu’on y croie, la volonté d’y croire soit indispensable.

Les esprits concilians, étrangers à l’église catholique, imaginent que pour y rentrer on peut détourner ses regards de ce côté trop épineux de la question, et que l’aversion des disputes, l’esprit de paix, la bienveillance, la modération, la charité, suffisent pour rapprocher valablement des âmes trop longtemps séparées. Ils supposent volontiers qu’une fois que de part et d’autre on s’est affranchi de toutes ces passions qui engendrent la contention et la lutte, une