Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 31.djvu/406

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

conséquente et invariable. Combien de fois Bossuet, dans ses rapports avec le saint-siège, avec Louis XIV, avec les jésuites, a-t-il prudemment mis à l’écart des questions scabreuses, irritantes ! Et qui peut songer à lui en faire un crime, si, comme on doit le croire, il n’a jamais pour cela dit le contraire de sa pensée ? Mais cette prudence, regina virtutum, Bossuet et l’église semblent la déposer, dès qu’il s’agit, sinon de traiter, au moins de conclure avec les dissidens qu’ils ont une fois nommés hérétiques.

Au concile de Trente, il n’y avait pas de question qui fût plus clairement à l’ordre du jour que celle des limites de l’autorité du pape et de l’autorité des conciles. La majorité des prélats était d’avis de décider le différend en faveur du saint-siège, et cette opinion perce dans toute leur conduite. Cependant ils renoncèrent, à l’exprimer formellement et passèrent la question sous silence pour divers motifs fort sages, dont le premier était de ne pas déplaire au clergé français. Ainsi rien de net, de précis, sur un point alors capital, devenu, de nos jours, pour toute une école peu s’en faut dominante, le premier des articles de foi. Et tandis qu’une ombre de doute est à dessein laissée sur ce qui passe aujourd’hui pour le fondement de l’église, l’anathème a sanctionné de ses menaces des détails de croyance auxquels le meilleur chrétien ne pense pas une fois dans sa vie. Ce sont ces anathèmes qui gardent comme une épée flamboyante l’entrée du sanctuaire en éloignant des chrétiens équitables et modérés, qui ne peuvent tolérer qu’une dissidence sur un fait historique soit digne de malédiction, et voilà comment l’autorité du concile de Trente est restée une pierre d’achoppement entre Bossuet et Leibniz.

Leibniz ne voit pas comment la tolérance dont on use à l’égard des variations et des dissidences intérieures du catholicisme cesse d’être de mise quand elle peut servir à rallier les églises séparées. Ce qui était de bonne conduite et de bonne morale dans un cas ne peut être interdit dans un autre, et la théologie qui divise (la théologie, étant spéculative, est exclusive de droit) ne lui paraît point à sa place dans une négociation sincèrement conciliatoire, car elle ne peut transiger. Commencer par exiger la reconnaissance d’un point sur lequel on peut transiger, c’est rompre la négociation en l’ouvrant, c’est vouloir fondre des élémens réfractaires. Je le dis de la fusion des églises comme de toute autre, la présence d’un principe absolu dans toute œuvre de fusion la rend impossible.

Réservons l’absolu pour la controverse ; là en effet tout peut être rigoureux. La controverse ne tolère aucune inconséquence : le besoin d’en finir, l’amour de la paix, l’estime réciproque, la sympathie pour les personnes, les faits accomplis, l’équité, l’égalité, la possession,