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ou du moins pour nous, qui savons ce qui va suivre, tout l’intérêt se concentre sur cette étrange et mystérieuse punition infligée à l’orgueil du poète par le juge infaillible. Un an après l’évacuation de Florence par les troupes du directoire, la journée de Marengo rétablissait notre suprématie dans les affaires de la péninsule. Le 15 octobre 1800, quatre mois après la bataille, le général Dupont prit possession de Florence. Ce triomphe des armes et des idées françaises avait beau exaspérer Alfieri, le rétablissement de l’ordre par la puissante main du premier consul venait terminer fort à propos les crises domestiques de Mme d’Albany. Privée déjà par la révolution française de la rente annuelle que lui avait accordée le gouvernement de Louis XVI, la comtesse avait souffert gravement aussi des conséquences de la révolution romaine ; son beau-frère le cardinal, qui, par suite d’arrangemens antérieurs, lui devait encore une certaine somme sur la succession de Charles-Edouard, avait été presque entièrement ruiné par les événemens de 1798, et l’on avait vu le dernier des Stuarts, celui qui s’était donné le nom d’Henri IX, mendier misérablement un secours à William Pitt. Pensionné par l’Angleterre et remis en possession de ses dignités après l’élection du pape Pie VII, le cardinal avait pu payer sa dette à sa belle-sœur, au moment même où la réorganisation de l’Italie par Bonaparte permettait à la comtesse et à son ami de toucher plus régulièrement leurs revenus italiens. La comtesse d’Albany paraît avoir salué d’un cri de joie les premières années du consulat. à la fin de l’année 1800, après l’attentat de la rue Saint-Nicaise, elle écrivit une lettre toute sympathique à Joséphine, qu’elle avait connue naguère à Paris. Voici les remercîmens que lui adresse la compagne du maître de la France.


« Paris, 1801.

« Combien je vous remercie, ma chère amie, de l’intérêt touchant que vous nous accordez, à Bonaparte et à moi ! Une amitié distinguée comme la vôtre offre des consolations au milieu des idées affligeantes qui naissent des dangers continuels auxquels on est exposé, et l’on regrette moins de les avoir courus quand ils excitent les témoignages d’une estime aussi pure que celle que vous nous laissez voir.

JOSEPHINE BONAPARTE, née La Pagerie.

P.-S. Je vois souvent ici M. de Lucchesini, dont j’estime beaucoup l’esprit et le caractère. Nous parlons de vous fréquemment, et je l’aime à cause de l’attachement qu’il vous porte. — Dites, je Vous prie, de ma part, à Mme de Bernardini tout ce que vous pouvez imaginer d’aimable. Adieu, chère princesse. »


En général, dans ces commencemens du consulat, Mm6 d’Albany semble s’occuper de la France avec la même sympathie qu’autrefois,