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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 31.djvu/663

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temps aussi l’art de grouper et de présenter les chiffres est venu au secours des rédacteurs de lois de finances et d’exposés de motifs.

Certainement la comptabilité des deniers publics est excellente en France ; mais l’organisation et le mécanisme en sont compliqués et ne laissent pas toujours apercevoir les résultats aux yeux non exercés. D’ailleurs la comptabilité, il ne faut pas l’oublier, c’est qu’un contrôle matériel ; elle n’exerce pas d’influence sur la direction, dont elle reste l’instrument docile, semblable à ces machines puissantes qui, obéissant à une impulsion donnée, peuvent employer leurs forces à détruire aussi bien qu’à créer. Une comptabilité parfaite, empêche les malversations et les détournemens ; elle ne peut rien ou presque rien pour la bonne administration des finances. C’est aux représentans seuls de la nation qu’il appartient d’exercer sur la fortune publique l’influence prépondérante dont toutes les constitutions et toutes les chartes depuis 1789 leur ont reconnu le droit, mais dont en fait la constitution de 1852 a singulièrement entravé l’exercice. Le vote de l’impôt, sans la faculté de réduire les dépenses, n’est qu’une garantie illusoire. Les conditions fâcheuses dans lesquelles se trouve placée la presse périodique, le défaut de publicité des débats législatifs ont contribué jusqu’à ce jour à maintenir dans l’ombre une situation financière sur laquelle il est à souhaiter que se porte enfin l’attention du pays. Cette situation me paraît de nature à motiver des craintes assez sérieuses, il ne sera que trop facile de le prouver ; mais avant tout, et pour établir le point de départ des comparaisons que le sujet exige, il faut jeter un rapide coup d’œil sur le passé.

Rien n’est plus intéressant que de suivre la marche de la dette publique, de voir comment cette dette, qui n’atteignait que 63 millions de rentes actives[1] en 1814, 164 millions en 1830, 176 millions au commencement de 1848, s’élève aujourd’hui à 315 millions, de telle sorte qu’il s’en faut de peu qu’elle n’ait doublé depuis la chute du régime parlementaire. Les trente-trois années de la monarchie constitutionnelle n’ont laissé inscrits au grand-livre que 113 millions de rentes nouvelles, tandis que les quatre années de la république et les huit années de l’empire ont augmenté la dette perpétuelle de 139 millions de rentes.

63,307,637 fr. de rentes figuraient sur le grand-livre au 1er avril 1814. C’étaient, pour 40 millions environ, les débris des 174 millions

  1. Les rentes actives, c’est-à-dire celles que l’état doit à des tiers, simples rentiers ou établissemens publics, représentent la véritable dette. Quant à ce que l’état se doit à lui-même, c’est-à-dire les rentes rachetées et appartenant à la caisse d’amortissement, que l’état peut annuler, ou dont il peut, ainsi qu’il le fait en ce moment, suspendre le service, si c’est là plus qu’une fiction, si c’est un puissant et, indispensable instrument de libération, en réalité cependant cette partie de la dette n’existe plus comme dette.