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gouvernemens qui se sont succédé en France. Ces fautes ont presque toutes eu pour mobile un désir de popularité, et presque toujours l’événement a. trompé l’attente de ceux qui ont cédé à ce désir. Les populations savent en général peu de gré à leur gouvernement des taxes, qu’il abolit, et murmurent contre les taxes nouvelles qu’il impose. Cela est vrai surtout pour les taxes de consommation, dont la perception se fait peu sentir, divisée comme elle l’est à l’infini et confondue avec le prix de la denrée. C’est un vieil adage qu’un impôt est bon par cela seul qu’il existe, et qu’un impôt, contestable, mais établi, est souvent préférable à un impôt meilleur à établir. Sans adopter complètement cette maxime comme règle absolue, il faut reconnaître qu’elle a un caractère certain de vérité pratique. Combien n’avons-nous pas vu depuis trente ans d’impôts utiles, acceptés, aisément perçus, disparaître, au grand détriment du. trésor ! En 1830, la réduction à 10 pour 100 du droit de détail sur les boissons coûta au trésor 40 millions, sans que les producteurs vendissent le vin un centime de plus, sans que les consommateurs le payassent un centime de moins. La loi sur les sels diminua les recettes de trente millions ; elles tombèrent de 63 millions à 33 millions, et sont, après douze ans, restées au même point (33 millions en 1849, 34 millions en 1858. 37 millions en 1859). Y a-t-il beaucoup d’hommes d’état et de législateurs qui ne regrettent pas cet impôt ? La réduction a bien peu profité aux consommateurs ; mais un impôt, une fois aboli, ne se rétablit pas aisément. Il en sera de même, je le crains, pour le sucre et le café.

L’exemple de la réforme postale, qu’on a invoqué dans la discussion de la loi.sur les sucres, était bien mal choisi, et la moindre réflexion aurait dû faire sentir que cet exemple était sans application. L’ancienne taxe des lettres variait de 10 c. à 1 fr. 20 c. L’établissement d’un régime nouveau qui, frappant les lettres pour toute l’étendue du territoire d’une ; taxe uniforme de 20 c, conservait cependant celle de 10 c. pour les lettres, circulant dans la circonscription du même bureau ou dans les limites d’une, ville, constituait donc une diminution énorme dans la moyenne du prix payé par les particuliers pour le transport de leurs correspondances. Il était légitime de s’attendre à une augmentation notable dans le nombre des lettres, et cependant il a fallu six années pour que la perception remontât au même taux qu’auparavant. Devait-on songer à comparer, à la réforme postale une réduction sur le tarif des sucres, qui ne pouvait produire, en supposant qu’elle profitât tout entière au consommateur, qu’une différence de 25 cent, par kilogramme sur une denrée valant 1 fr. 50 c, réduction de moins de 17 pour 100 ? Était-on raisonnablement fondé à croire qu’il se consommerait