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plomb, qui engendrent de douloureuses et horribles maladies. Faut-il s’étonner que, dans de telles circonstances, la vie moyenne des mineurs n’atteigne que quarante-cinq ans, celle des usiniers quarante-deux ? Il est tout simple que l’on s’applique à soulager le sort de populations dont la destinée est si rude. Tandis que les institutions de prévoyance débarrassent l’esprit des ouvriers du souci rongeur de l’avenir, l’administration prend toutes les mesures propres à augmenter leur bien-être. Le blé leur est vendu à un cours constamment inférieur au cours même des années d’abondance : en moyenne, on peut estimer que la population ne le paie que moitié prix. Tandis que sur les marchés d’Osterode et de Wolfenbüttel le prix du blé varie entre 15 et 35 fr., l’administration le livre toujours à 13 francs 22 cent, l’hectolitre. Chaque célibataire en reçoit 36 kilogrammes par mois, chaque ménage le double. Le sacrifice fait par l’administration pour couvrir la différence entre le prix d’achat et le prix de vente s’est élevé à 1,177,162 fr. du 1er janvier 1834 au 1er janvier 1850, en moyenne par conséquent à 73,572 fr. par an. Cette dépense est supportée en partie par les actionnaires des mines, en partie par la caisse des mines, alimentée comme on l’a vu plus haut. Le blé est moulu et conservé dans des dépôts pour les ouvriers employés dans les mines et usines d’argent ; on a établi des dépôts de grains pour les ouvriers des mines et usines à fer et pour les forestiers, enfin des dépôts d’avoine pour les conducteurs de voitures, qui se trouvent ainsi protégés contre une élévation excessive des prix.

L’ouvrier mineur jouit d’un autre privilège en ce qui touche la propriété des terrains et des maisons. Quand un ouvrier meurt, le mineur qui désire acheter sa maison a la préférence sur toute autre personne, et n’a même pas besoin de posséder le capital d’achat. L’administration le lui prête à 4 pour 100 d’intérêt, et il se libère peu à peu par annuités. L’état, il est vrai, conserve son droit absolu d’expropriation dans l’intérêt des mines, et le mineur doit plutôt être considéré comme un locataire que comme un propriétaire véritable.

Adopté dès sa naissance par l’état, élevé dans ses écoles, plus tard aidé et soutenu par lui pendant l’âge mûr et la vieillesse, si la vieillesse arrive, le mineur du Harz est, on peut le dire, dans une permanente tutelle. Il est délivré des préoccupations les plus amères du prolétariat, passe sa vie paisible et régulière dans une pauvreté décente et sans angoisses, et, s’il n’a que peu de jouissances, il sait du moins qu’elles lui sont assurées et garanties. Il y a des personnes dont j’honore beaucoup les convictions, parce que je les crois sincères, qui envisagent un semblable état de choses comme l’idéal du