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qui peuvent éclairer ce difficile problème, s’est sagement abstenu de prendre parti pour l’une ou l’autre thèse. En présence des faits qu’il a constatés, non-seulement en France, mais encore dans les principaux pays d’Europe, il s’est cru autorisé à conclure contre toute opinion absolue en pareille matière. La moyenne et la petite propriété ont, comme la grande propriété, leur raison d’être et leurs avantages. Ce qui importe, c’est de trouver et de maintenir le juste équilibre entre ces trois sortes de biens ruraux ; c’est de propager les bons procédés de culture, d’améliorer les instrumens de travail et de faciliter la circulation des capitaux dans les couches démocratiques de la petite propriété. Les discussions de doctrines ne seraient ici d’aucun secours, et le temps que l’on emploierait encore à faire le procès au code civil ne serait que du temps perdu. Ne sait-on pas que le progrès agricole d’un pays ne doit pas se mesurer au nombre d’hectares mis en culture, ni à la dimension des propriétés ? Tout dépend du parti que l’on tire de la même étendue de sol, du rendement de l’hectare en récoltes et en bétail. À cet égard, les chiffres que nous avons sous les yeux renferment de précieux élémens d’appréciation. Arrêtons-nous seulement aux statistiques qui concernent la production du froment et les bestiaux : ces deux exemples suffiront pour attester qu’après tout le présent et l’avenir de l’agriculture française sont moins sombres que ne le prétendent les adversaires systématiques de la loi sur les successions.

En 1815, on comptait 4. millions 1/2 d’hectares ensemencés en froment, et la production était de 39 millions d’hectolitres. Par une progression très régulière, le nombre des hectares avait atteint en 1858 plus de 6 millions 1/2 ; la production était de 110 millions d’hectolitres. Deux conséquences très-essentielles ressortent de ces chiffres : en premier lieu, le rendement moyen par hectare a presque doublé de 1815 à 1858 ; il n’était que de 8 hectolitres 1/2 en 1815, il s’est élevé pour 1858 à 16 hectolitres 1/2. Certes nous sommes encore loin d’atteindre, quant à la moyenne, le rendement anglais ; mais le progrès n’en est pas moins certain, considérable, surtout si l’on tient compte des crises politiques que le pays a traversées et de l’influence d’une législation économique dont les bonnes intentions n’ont pas été moins préjudiciables pour l’agriculture que pour l’industrie. En second lieu, le chiffre total de la production en froment s’est accru dans une proportion plus forte que le chiffre de la population ; la consommation individuelle a donc augmenté, c’est-à-dire que la nourriture saine et substantielle que procure le pain de froment remplace de plus en plus l’alimentation grossière à laquelle était condamné le peuple des campagnes. Les résultats de la statistique se trouvent ici d’accord avec les observations générales que chacun peut faire dans les différentes régions du territoire. Lors