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se touchent pas : grande différence avec notre clergé catholique, en France particulièrement, où, grâce à l’esprit d’égalité de nos lois et de nos mœurs, les curés deviennent évêques, archevêques, cardinaux. Il y a dans l’église grecque une aristocratie et une démocratie cléricales. La démocratie cléricale sort du peuple, vit avec le peuple et partage ses malheurs, ses sentimens, ses espérances ; l’aristocratie vit au-dessus du peuple, l’opprime, le dépouille, et ne s’associe ni à ses sentimens ni à ses souhaits. Elle est nationale par la langue, elle est anti-nationale par les sentimens et par les intérêts. « Ne vous y trompez pas, m’écrit-on de la Turquie, le haut clergé grec est anti-grec. Vous avez souvent loué l’église grecque, et vous l’avez glorifiée d’avoir conservé la nationalité grecque : tout cela a pu être, mais tout cela n’est plus. Le haut clergé grec est dévoué à la Turquie, ou pour mieux dire au régime turc, parce que ce régime favorise ses exactions. Le haut clergé grec pourra être entraîné par un mouvement chrétien ; jamais, tant qu’il sera libre, il ne s’en fera le chef ni l’auxiliaire. Les évêques grecs entendent trop bien leur intérêt et sont trop insensibles à tout ce qui n’est pas leur intérêt pour désirer un nouvel état de choses. — Depuis que le gouvernement grec salarie son clergé, depuis que les populations de la Grèce libre ne lui paient plus ces impôts qui écrasent encore les rayas, les évêques de l’empire ottoman ont séparé leur cause de celle de l’hellénisme, et se sont rangés désormais du côté du régime qui leur met entre les mains, avec un pouvoir administratif sans contrôle, le moyen d’en abuser sans limite. Je n’hésite pas à considérer le clergé grec, dans son organisation actuelle, comme un des plus sérieux obstacles que puisse rencontrer la régénération politique et morale des populations chrétiennes de l’empire ottoman. Le mal est arrivé à un tel point qu’il serait superflu d’y chercher un remède. Une violente commotion, un bouleversement complet de ce qui existe aujourd’hui peuvent seuls le déraciner. »

Je ne veux point encore tirer la conclusion des réflexions ou des renseignemens qu’on vient de lire ; j’y reviendrai tout à l’heure. Je dois d’abord donner quelques détails sur les vexations intolérables du haut clergé byzantin envers ses ouailles.

Les principales dignités s’achètent dans l’église grecque, comme les fonctions civiles dans l’administration ottomane… En principe, l’évêque ne doit rien percevoir pour l’ordination d’un prêtre ; en fait, il exige de lui un droit qui varie de 2,000 à 5,000 piastres (de 400 à 1,000 fr.). Le prêtre revêtu du sacerdoce à ce prix paie chaque année à l’évêque une redevance de 500 à 1,200 piastres. Les papas des campagnes, outre cette taxe, acquittent une taxe particulière appelée φλότιμν, dont le chiffre dépend de la générosité plus ou moins spontanée des contribuables. — Outre ces impôts,