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les différences existant entre frères. Les deux parens restant les mêmes, tous les enfans devraient se ressembler, parait-il ; mais ici interviennent des phénomènes d’un autre ordre. L’hérédité ne se manifeste pas seulement des parens aux fils. Par un phénomène encore obscur, bien qu’on puisse le regarder comme une sorte de trace lointaine des phénomènes généagénétiques[1], c’est bien souvent aux ascendans plus éloignés que remontent les ressemblances. Girou de Buzareingnes et Burdach ont admis qu’elles étaient plus nombreuses et plus frappantes de grand-père à petit-fils et de grand’mère à petite-fille que de père à fils et de mère à fille[2]. L’hérédité alternante aidera donc l’hérédité directe à modifier et à diversifier les représentans du type.

Enfin les phénomènes d’atavisme viendront s’ajouter aux précédens, dont Ils ne sont probablement qu’une extension. Ces phénomènes consistent dans la réapparition subite des caractères d’un ancêtre séparé de son descendant par un nombre parfois très considérable de générations. On les constate tous les jours chez les animaux. Par exemple, c’est en vain que dans les troupeaux à laine noire de l’Andalousie on tue impitoyablement depuis plusieurs siècles, tout agneau qui porte la moindre trace de laine blanche, afin de conserver à la race le caractère qui en fait rechercher la toison. Chaque année, il naît encore quelques rares individus qui reproduisent la teinte proscrite. Les vers à soie de race blanche, épurée avec le plus grand soin depuis plus d’un siècle, comme l’était celle de Valleraugue, produisent toujours cependant un certain nombre de cocons jaunes. Les mêmes faits se retrouvent chez l’homme, et M. Prosper Lucas en cite de curieux exemples. Aussi Maupertuis, mais surtout Girou de Buzareingnes, ont-ils attribué à l’atavisme une large part dans la variation des traits individuels, dans les dissemblances qui distinguent les pères des enfans et ceux-ci les uns des autres, et bien que Girou soit allé trop loin, nous ne pouvons qu’adopter au moins le fond de ses idées.

Nous sommes ainsi amené à conclure que l’hérédité, par le concours obligé des sexes, par l’alternance de son action, par l’atavisme,

  1. Burdach a le premier fait ce rapprochement. Il a comparé ce qui se passé de grand-père à petit-fils et de grand’mère à petite-fille aux phénomènes de génération alternante tels qu’ils avaient été décrits chez les biphores par Chamisso. Cette comparaison nous parait fondée, et nous pouvons l’étendre à cinq générations aujourd’hui que nous connaissons les phases que présente la reproduction des méduses. — Voyez mes études sur la Métamorphose et la Généagènèse, — Revue du 1er et 15 juin, et 1er juillet 1856.
  2. Voici un tableau qui résume les idées de Girou sur cette question :
    1re génération grand-père grand’mère grand-père grand’mère
    2e génération « père mère «
    3e génération fils fille fils fille