de près de dix-huit cents lieues entre New-York et San-Francisco. D’immenses bateaux à vapeur, très élégans et très bien tenus, peuvent porter jusqu’à quinze et dix-huit cents passagers, et 2,500 tonnes de marchandises. Le prix du voyage est de 1,000 ou 1,200 fr. pour les cabines de première classe, et le mouvement des passagers est toujours très grand. Quelques steamers de la compagnie Pacific Mail sont de véritables villes flottantes, et qui n’a pas vu le Golden Gate par exemple ne peut se figurer à quel degré d’importance est arrivée sur le Pacifique la marine à vapeur des États-Unis.
Muni d’un léger bagage, qui souvent tient sans encombre dans sa cabine, l’Américain s’embarque, un sac de nuit à la main. Les voyageurs étrangers affichent au contraire un luxe et un déploiement de malles, de coffres, de caisses de tout genre ; le Yankee les admire et s’étonne ; il se demande quelle devrait être la grandeur des navires si chaque passager emportait autant de bagages avec lui. Le déjeuner et le dîner sont servis à l’américaine. Ils se composent essentiellement, en premier lieu, d’une série de mets rudimentaires étalés sur la table dans de petites assiettes de forme spéciale. Ce sont des légumes bouillis, isolés chacun sur un plat : ici un oignon, là un navet ou une carotte, à côté l’épi de maïs blanc, mets national, plus bas une pomme de terre ou une patate. On dirait autant d’échantillons. Ils sont la proie du premier qui s’en empare d’un coup de fourchette victorieux. Chaque table est présidée par l’un des officiers du bord, découpant les pièces de résistance pour ses cinq ou six voisins. Une série de nègres transformés en officiers tranchans, divisent sur une table, au milieu du salon, les mêmes pièces pour les autres passagers ; c’est invariablement le beefsteack ou le roastbeef traditionnels, tous les deux aux pommes de terre et précédés d’un poisson frit. Il va sans dire qu’à tous les repas on change les assiettes le moins possible, car les Yankees mangent tout dans le même plat, jusqu’aux confitures. L’usage de la serviette est aussi complètement inconnu. Les délicats en portent une attachée à leur bagage, ou se servent de leur mouchoir. Souvent aussi le bout de nappe qui pend devant chaque convive est mis à contribution. Avant la fin du repas, chacun s’accoude sur la table, et ce sans-gêne primitif vient compléter à souhait le peu de luxe du festin. Sur plusieurs des steamers du Pacifique, le service du dîner se fait militairement. Les nègres arrivent sur deux files, marchant au pas. Ils tiennent un plat de chaque main et le déposent sur la table en trois temps et trois mouvemens, indiqués par trois coups de sonnette du chef steward, ou munitionnaire du bord. Cet exercice est fort curieux et plaît beaucoup aux étrangers.
Les amusemens sur le steamer ressemblent aux distractions de tout voyage maritime. La bibliothèque du bord n’est guère composée que de quelques bibles, dont l’aspect graisseux et la date ancienne feraient croire qu’elles ont beaucoup servi, bien que personne n’y touche. Chaque passager, avant de s’embarquer, s’est muni d’un livre, et pour l’ordinaire d’un roman. C’est