Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 33.djvu/223

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
REVUE MUSICALE

Après les trois orageuses représentations du Tannhäuser, le théâtre de l’Opéra est rentré dans son calme solennel. Le ténor allemand, M. Niemann, a résilié l’engagement qui le tenait lié ici jusqu’à la fin du mois de juin, et il a repris le chemin de son pays, qu’il n’aurait jamais dû quitter. Les deux sœurs Marchisio ont également cessé de faire partie du personnel de l’Opéra, où leur présence pendant toute une année n’a produit qu’un effet bien inférieur à celui qu’on en espérait. Ce sont deux cantatrices de talent, qui ne peuvent pas être séparées sans perdre beaucoup du charme qui résulte de la fusion de leurs voix de soprano et de contralto. Peu douées de grâces naturelles, manquant de distinction, les Marchisio n’ont pas assez d’élan et d’initiative dramatique pour satisfaire à toutes les exigences du répertoire de l’Opéra. Carlotta, le soprano, qui s’est essayée dans le rôle de Mathilde de Guillaume Tell, n’y a pas révélé un goût bien sévère, surtout dans l’admirable romance de Sombres forêts, dont elle a chiffonné strappazzato le style délicat. À tout prendre, les Marchisio ont bien fait de retourner à leurs premières amours. Quant aux ténors, ils sont devenus si rares que l’administration de l’Opéra en essaie le plus qu’elle peut. Il en est un par exemple, M. Labat, qu’on a pu voir débuter, il y a quelques semaines, dans le rôle d’Éléazar de la Juive, où il n’a fait preuve ni d’intelligence dramatique ni de grande expérience comme chanteur. Ancien professeur d’histoire dans un collège de province, M. Labat a commencé un peu tard a s’occuper d’un art qui exige de la jeunesse et certains avantages physiques qui permettent d’attendre que le talent se développe. M. Labat a disparu comme il était venu. Un agréable ballet en un acte, Graziosa, qui était destiné d’abord à tempérer les trop fortes émotions produites par le Tannhäuser, a été donné à l’Opéra, le 25 mars, pour la plus grande gloire de Mme Ferraris. La scène se passe à Naples, sous le gouvernement espagnol, avec les costumes les plus riches et la musique de M. Théodore Labarre, qui pourrait être plus élégante et moins banale ; mais Mme Ferraris y vaut plus