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que son pesant d’or, tant elle est légère et charmante, surtout dans la scène piquante avec les gendarmes, dont elle déjoue la vigilance. Ce joli ballet de MM. Petitpas et Derley a juste les proportions voulues par ceux qui aiment la danse, mais qui l’aiment sans excès.

À l’Opéra-Comique, où la Circassienne de M. Auber attire toujours un public empressé, on a donné le 4 mars dernier deux petits actes sous ce titre : le Jardinier galant, de MM. Leuven et Siraudin ; la musique est de M. Poise, un élève, un imitateur par trop fidèle d’Adolphe-Adam. Sous le masque de ce jardinier galant se cache le fameux Collé, le chansonnier égrillard du XVIIIe siècle, qui lance des couplets séditieux contre la favorite du moment, Mme de Pompadour. Ce n’est qu’après bien des malentendus que le vrai se découvre, et alors que la favorite n’a plus le pouvoir de punir ses détracteurs. Sur cette donnée de vaudeville, M. Poise a fait de la musique qui ne s’élève pas beaucoup plus haut, et dont le style trop facile ne compense pas la trivialité. Cependant on écoute sans trop de peine le babil de M. Poise, où nous avons plus particulièrement remarqué, au second acte, la chanson dialoguée qui se débite pendant le petit souper clandestin. Quelque temps après le Jardinier galant, le 18 mars, on a encore donné à ce même théâtre un opéra en un acte, Maître Claude, qui est le coup d’essai dramatique d’un jeune compositeur, M. Jules Cohen. Maître Claude, ce n’est rien moins que Claude Gelée, l’admirable paysagiste dit le Lorrain, que MM. de Saint-Georges et de Leuven ont transporté au XVIIIe siècle au lieu de le laisser là où l’histoire l’a placé, au temps du cardinal de Richelieu. Cet anachronisme, que la mise en scène du théâtre a scrupuleusement respecté, n’ajoute et n’enlève rien au mérite de l’historiette que M. Cohen a illustrée des sons de sa musique facile, bien troussée, comme on dit, mais vulgaire et remplie de lieux-communs, dont la plupart sont empruntés à la manière de M. Auber. Ce qu’il y a de mieux dans Maître Claude, c’est l’ouverture et un quatuor, qui prouvent que M. Jules Cohen a fait d’assez bonnes études musicales. Tout récemment, le 12 avril, l’Opéra-Comique a produit un ouvrage en deux actes, Royal-Cravate, qui est dû à la collaboration de deux dilettanti, — M. de Mesgrigny pour les paroles et M. le duc de Massa pour la musique. La petite pièce de M. de Mesgrigny n’est pas mal, et le jeune officier Gaston, son domestique Champagne, mènent assez rondement une aventure d’auberge qui ne manque pas de gaieté. La musique de M. le duc de Massa, qui est très jeune (il est le petit-fils d’un grand dignitaire du premier empire, Régnier, ministre de la justice), la musique de M. de Massa est agréable, facile, tournant volontiers vers la mélodie souriante. Je pourrais signaler au premier acte une romance de ténor, puis une autre romance pour le même genre de voix avec accompagnement de flûte et de harpe, dont la terminaison m’a paru un peu trop tourmentée par des modulations recherchées. Le quatuor du souper, celui qui commence le finale du premier acte sont des morceaux bien appropriés à la situation. Au second acte, on peut encore louer un duo chaleureux entre les deux amans, Gaston et Henriette,