Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 33.djvu/379

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Nagasaki est une ville bien tenue, avec des rues alignées et spacieuses, bordées de jolies maisons généralement à deux étages, recouvertes de toits en tuiles ou en bois ; le milieu des rues est pavé, les côtés sont sablés, et deux larges ruisseaux d’eau courante coulent à droite et à gauche. Il y a très loin de la physionomie d’une ville japonaise à celle d’une ville chinoise : pas de ruelles, de détours tortueux ni d’immondices ; les boutiques ont un aspect engageant ; on y vend tous les produits de l’industrie indigène, des parasols, des éventails, de la vannerie, des bronzes dont les dessins et le travail sont de beaucoup supérieurs à ceux des Chinois, des ornemens et des jouets en verre ; cependant c’est surtout dans les bazars hollandais et russes qu’il faut aller chercher les laques et les fines porcelaines appelées coquilles d’œuf ; là aussi on trouve de beaux télescopes, des microscopes fabriqués dans le pays, des pendules, des imitations d’étoffes européennes. Les maisons sont généralement entourées de vérandahs ; de légers paravens en bois, recouverts du fort papier qui est fabriqué avec la deuxième écorce du mûrier, et glissant dans des coulisses, en protègent l’entrée ; souvent ils sont repliés dans le jour, et l’on peut alors jeter un coup d’œil sur l’intérieur japonais. Derrière une ou deux chambres légèrement exhaussées au-dessus du sol et recouvertes de nattes parfaitement propres se trouve une sorte de cour ou de jardin animée par le feuillage des arbres et rafraîchie par une fontaine ; quelque femme japonaise vaque aux soins de son ménage pendant que des enfans nus jouent autour d’elle. On ne voit guère dans les rues de véhicules ni de bêtes de somme ; les piétons sont nombreux et actifs, excepté durant la chaleur des jours d’été ; toute cette population porte un cachet général de contentement et de bienveillance ; la présence des étrangers n’attire plus son attention, c’est un spectacle auquel elle semble faite aujourd’hui. La ville compte environ 80,000 âmes ; ses rues se coupent à angles droits, et elle est traversée par une rivière sur laquelle sont jetés de trente à quarante ponts, la moitié en pierre. Soixante-deux temples, grands et petits, sont consacrés tant au culte des ancêtres appelé synsin qu’à celui du Bouddha. Le long des pentes des montagnes qui enveloppent la ville sont répandus en nombre considérable de ces lieux de plaisir appelés maisons à thé ; on s’y rend par de larges escaliers qui dans tous les faubourgs facilitent l’ascension des pentes, et de là on jouit d’une vue admirable sur la ville et ses vastes alentours. Les maisons à thé sont de légères constructions en bois, très élégantes, semées dans les plis de la montagne ou sur des pointes de rochers, entourées de bosquets touffus, de jardins en terrasses admirablement dessinés, arrosés par des eaux jaillissantes et des sources limpides. Des individus isolés, plus souvent des familles, se rendent dans ces lieux