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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 33.djvu/632

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sa disposition les engrais liquides pour stimuler les récoltes au printemps ou pendant les chaleurs de l’été, il faut qu’il prépare des mélanges de diverses matières et qu’il fasse ainsi des composts dont les propriétés sont variées avec art selon les produits auxquels on les destine, les uns actifs et frais pour les pommes de terre, les autres d’une action lente et durable pour le regain des prairies, d’autres encore bien décomposés, chauds et énergiques, pour les seigles. La fabrication des engrais, conduite avec une science toute pratique, mais qu’un chimiste ne désavouerait pas, est l’occupation journalière du paysan campinois, qui sous ce rapport l’emporte même sur celui des Flandres, car il connaît mieux par expérience les phénomènes de ce laboratoire mystérieux où fermente la vie végétale et où s’organisent les élémens des moissons. Ici également on demande au même champ deux récoltes dans la même année, et le tiers à peu près de la superficie emblavée donne ainsi des plantes fourragères après les céréales. Les plantes fourragères sont comme en Flandre des carottes semées dans le seigle, des choux, des blés coupés en vert, des navets, mais surtout de la spergule[1]. Depuis quelques années, on sème aussi avec avantage une légumineuse d’une espèce particulière, la séradelle, l’ornnithopus perpusillus des botanistes, qui, moins épuisante que le trèfle ordinaire, peut alterner avec celui-ci. Parmi les céréales domine le seigle, dont on fait le pain noir que consomment uniquement les populations rurales ; mais c’est à peine s’il faut citer le froment, qu’on ne récolte que comme une denrée de luxe : l’avoine et le sarrasin occupent au contraire une place importante. En fait de plantes industrielles, le colza seul est généralement cultivé. Le lin est de médiocre qualité. Malgré quelques essais qui ont attiré l’attention, il semble constaté que le houblon ne peut donner dans un sol aussi stérile de résultats rémunérateurs, et l’on ne voit guère le tabac que dans les petits jardins où l’ouvrier obtient à force de soins quelques légumes pour sa consommation personnelle.

Parmi les produits spéciaux de la Campine, on compte les asperges, le miel, le beurre, la volaille, et même, le croirait-on ? le vin. L’asperge trouve ici tout ce qui lui convient, le sable qui la rend blanche et l’engrais qui la rend juteuse et grosse. Aussi ce légume

  1. La spergule livre peu de poids, de 6 à 8,000 kilos par hectare ; mais c’est le fourrage de prédilection de la fermière, parce qu’il donne aux vaches un lait crémeux et abondant, facile à convertir en beurre délicieux. En outre elle acquiert son entier développement en deux mois, ce qui permet au cultivateur prévoyant d’en semer successivement, de manière à toujours avoir une coupe fraîche pour son étable. Elle vient plus facilement dans les sables que le navet, qui a besoin pour grossir d’être stimulé par le fumier ou par l’engrais liquide ; aussi met-on de préférence la spergule après les grains d’hiver.