Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 33.djvu/640

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bonniers[1]. Ce règlement, d’une application très difficile, comme on le pense bien, ne paraît pas avoir eu d’effet très sensible. Le progrès s’accomplit sous d’autres influences. D’après l’abbé Mann, autorité irrécusable en cette matière, la culture se perfectionna par l’exemple des fermiers flamands que les propriétaires attiraient sur leurs terres, parce que ces habiles laboureurs en tiraient de plus grands produits et qu’ils étaient ainsi disposés à payer un fermage plus élevé. À partir de la paix de 1748, qui termina la guerre entre la France et l’Autriche, la population augmenta rapidement, des maisons se bâtirent de tous côtés, et l’agriculture prit un essor remarquable dont tous les contemporains furent frappés. Nous possédons des détails précis sur la manière dont s’est opérée l’abolition de la jachère dans l’une des parties jadis les plus délaissées de la contrée et, qui en est devenue l’une des plus riches, la belle plaine de Fleurus et les districts environnans. On nous pardonnera d’insister sur un cas particulier qui, mieux que des indications générales, fera comprendre la marche et le caractère de cet important progrès agricole.

L’agronome anglais sir John Sinclair visitait la Belgique en 1815 afin de rechercher pourquoi le prix des grains était moins élevé dans ce pays qu’en Angleterre. On lui parla d’un cultivateur appelé Mondez, qui occupait la ferme de Baulet, non loin de Charleroi, et qui, par son exemple, avait grandement contribué à la suppression de la jachère dans cette partie de la Belgique. Sinclair se décida à l’aller visiter. Le moment était mal choisi. C’était pendant les cent-jours. Le pays était traversé par les troupes alliées, et les Prussiens occupaient même la ferme de Baulet. On était à la veille de ces luttes suprêmes qui allaient ensanglanter, dans les champs de Fleurus, les moissons dont l’intrépide agronome admirait, au soleil de juin, la beauté et la vigueur. Il parvint néanmoins à arracher son esprit aux préoccupations de la guerre, dont les formidables préparatifs l’entouraient de toutes parts, et dans l’ouvrage où il consigne les résultats de son voyage[2], il constate les progrès remarquables obtenus par la persévérance intelligente de Mondez. Celui-ci avait déjà exposé, dans un mémoire honoré d’une médaille d’or par la Société d’agriculture de Paris, la marche qu’il avait suivie et les améliorations qu’il avait introduites dans la culture. D’après le rapport officiel du maire de Fleurus, en 1774, quand l’habile cultivateur prit la ferme de Baulet, l’agriculture était très arriérée. L’assolement triennal primitif régnait sans partage, doublement respecté comme une tradition des aïeux et comme une nécessité absolue. Un

  1. C’est-à-dire à 80 hectares environ.
  2. Hints regarding the agricultural state of the Netherlands, 1815.