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et 446 de 50 à 100, et sur les 372,205 du Hainaut, 122 fermes de plus de 100 et 588 de 50 à 100 hectares. Les exploitations inférieures à 1 hectare se rencontrent tout aussi fréquemment ici que dans les Flandres mêmes. C’est que non-seulement les ouvriers agricoles, mais même la plupart des travailleurs employés dans les mines ou dans l’industrie, veulent avoir leur lopin de terre pour y récolter une grande partie des alimens nécessaires à la consommation de leur ménage.

Dans la région hesbayenne, les grandes fermes n’ont pas ce charme de l’idylle, cette coquetterie rustique que donnent aux habitations rurales des Flandres leurs pelouses vertes et leurs haies où fleurissent l’aubépine et le chèvrefeuille : ce sont d’énormes bâtimens en briques, couverts d’ardoises, élevés autour d’une vaste cour qu’ils enferment de toutes parts. Les fenêtres, qui s’ouvrent en dehors, sont rares et protégées par des barreaux de fer ; une porte solide clôt l’unique entrée. Tout semble disposé pour repousser une attaque, et l’on croirait voir une petite forteresse plutôt que la demeure d’un cultivateur. Les fermes de Goumont, de Papelote et de la Haie-Sainte, si rudement disputées par les Français et les Anglais sur le champ de bataille de Waterloo, donnent l’idée de la résistance qu’elles peuvent offrir. La solidité de ces hautes granges en pierres de taille, de ces étables voûtées, de ces murs d’enceinte, tout cet ensemble de constructions coûteuses, tout cet appareil de défense rappelle l’époque déjà lointaine où le pays était exposé aux coups de main des maraudeurs. Aujourd’hui on renonce généralement à ces bâtimens massifs qui chargent la propriété d’un fort capital improductif, et qui exigent de grands frais d’entretien.

Jadis, avant l’invasion de l’industrie métallurgique, cette région, avec ses grands bois de haute futaie et ses belles chasses, était le séjour de prédilection de l’aristocratie. C’est là qu’on rencontre encore les résidences de la plupart des grandes familles du royaume, entre autres le château et les jardins de Bel-OEil, que le prince de Ligne se plaisait à embellir et à décrire quelques années à peine avant la révolution de 1789. Dans ces descriptions, dédiées à l’abbé Delille, qu’il nomme, en abusant un peu trop de la mythologie.

Apôtre de Cérès, archidiacre de Flore,
Favori de Pomone et d’autres dieux encore,
Archevêque du Pinde, abbé de l’Hélicon,


il nous montre « ses bassins de marbre, ses charmilles, hautes, fraîches et superbes, ni fatigantes, ni fatiguées, des forêts de roses en quinconces, du gazon partout, dont les moutons font un tapis de velours vert, et partout aussi les plus belles eaux du monde, vives,