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L’édilité était à Rome une magistrature curule ; la préfecture urbaine était réservée aux personnages consulaires. Il est vrai qu’il nous reste des édiles de la république peu de monumens de pierre : les Romains de cette époque n’ont laissé que des monumens moraux qui vivent indestructibles dans la mémoire et la conscience du genre humain. L’édilité menait au consulat quand le consulat était la magistrature suprême ; le consulat menait à la préfecture urbaine quand le consul n’était plus que la créature d’un césar. Quel a été, à vrai dire, le beau temps de l’édilité romaine? Est-ce celui où l’édile était l’élu de ses concitoyens? Est-ce celui où il devait ses fonctions à la faveur d’un seul ?

Mais ces questions dorment encore chez nous. On dirait même que l’indifférence qui paralyse les classes actives de la France à l’endroit de la politique intérieure commence à les gagner aussi à l’égard des questions extérieures, qui naguère excitaient parmi elles des préoccupations si vives. Les symptômes de ce retour des classes commerçantes et financières à une sorte de sécurité relative touchant la politique étrangère ne sont pas seulement visibles chez nous; les organes les plus importans de l’Angleterre les remarquent aussi parmi leurs compatriotes. Que voulez-vous? il faut bien s’accoutumer à vivre avec son mal. Le commerce anglais paraît donc entrer dans une période de rassérènement. Il croit la paix assurée, au moins jusqu’au printemps prochain; il est beaucoup moins en peine de ses approvisionnemens de coton depuis le rude échec que l’Union américaine a essuyé au début de sa lutte avec les sécessionistes. Il voit que l’argent est abondant, et qu’il subvient très facilement aux demandes immenses manifestées par les emprunts de divers états. Enfin il constate que l’Angleterre, qui, dans la crainte des perturbations américaines et à la suite de la mauvaise récolte de l’année dernière, avait fait d’énormes achats et s’était constitué de grandes réserves de grains, aura cette année une récolte satisfaisante. Ces diverses circonstances réunies paraissent devoir être chez nos voisins le point de départ d’une active campagne d’affaires. En sera-t-il de même chez nous? Il serait difficile que la confiance se rétablît, que l’activité se réveillât au sein du commerce anglais, sans que la France ne s’en ressentît dans une certaine mesure. Il est vrai que tout ne se ressemble point dans la situation économique des deux pays. La France passe par l’épreuve de l’application du traité de commerce, et l’on annonce que nous n’aurons cette année qu’une très médiocre récolte. Pour ce qui concerne la transition du régime prohibitif au système libéral en matière douanière, nous sommes de ceux qui ne doutent point que cette épreuve ne soit heureusement franchie. L’industrie française tiendra victorieusement tête à la concurrence anglaise; plusieurs faits particuliers en sont des présages certains. Rien de plus encourageant sous ce rapport que ce qui se passe dans l’industrie métallurgique. Nos usines ne peuvent pas fournir tous les rails que nos chemins de fer leur demandent. Il faut faire avec elles des marchés à plusieurs années d’échéance, et elles traitent à des prix inférieurs à ceux