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que l’on pourrait obtenir de l’Angleterre. Nos industries cotonnières auront-elles plus de peine que l’industrie métallurgique à lutter avec la concurrence étrangère? Nous ne le pensons pas, car, même sous le régime du traité, leurs produits jouissent d’une protection qui sera, dit-on, plus efficace que celle qui couvre les fers. Dans son discours à l’empereur, M. Haussmann nous a révélé un fait très intéressant, qui montre que, dans certaines branches de notre industrie, le traité de commerce a communiqué une énergie singulière à notre production. L’exportation des articles de Paris a doublé depuis le traité de commerce; ce fait est d’autant plus significatif qu’il y avait lieu de craindre que cette industrie ne fût en souffrance, la crise politique traversée par l’Amérique lui fermant un de ses débouchés les plus considérables. Quant à la question des récoltes, nous croyons qu’il ne faut pas la juger cette année d’après les erremens fournis par l’expérience de notre ancien régime économique. Il y a d’abord une circonstance favorable dont on doit tenir compte. D’ordinaire les mauvaises récoltes en France coïncident avec des récoltes encore plus mauvaises en Angleterre. Dans les cas d’insuffisance commune aux deux pays, l’Angleterre avait à faire au dehors, en même temps que nous, d’énormes demandes de céréales. Nous rencontrions sa concurrence sur les marchés étrangers, et nous avions à payer des prix plus élevés. Ce n’était point le seul contre-coup fâcheux que nous eussions à ressentir de la simultanéité de cet accident dans les deux pays. L’Angleterre était, comme nous, obligée de payer ses blés en métal : les caisses de sa banque se vidaient en même temps que les nôtres. De là entre les marchés monétaires des deux pays une concurrence qui poussait l’intérêt de l’argent à des taux exorbitans, et souvent entraînait des crises commerciales. C’est donc une circonstance très heureuse cette année, si la récolte en France est insuffisante, que la récolte en Angleterre ne présente point d’insuffisance extraordinaire et soit plutôt favorable. Nous n’aurons du moins à redouter ni un renchérissement excessif du prix du blé par l’effet d’une vive concurrence étrangère sur les marchés où nous irons nous approvisionner, ni une trop grande cherté de l’argent accompagnée d’une crise commerciale. Une branche de notre commerce, le commerce des céréales, sera très active : nos importations extraordinaires de grains exciteront la production et l’exportation de nos marchandises d’échange; nos chemins de fer, qui auront à répartir sur tous les points du territoire les blés importés, auront un trafic animé. Il ne serait donc pas impossible, si l’insuffisance de la récolte, comme tout permet de l’espérer, ne prend pas des proportions graves, que la fin de cette année fût marquée en France, comme elle le sera en Angleterre, par une activité plus productive qu’on ne l’eût imaginé il y a quelques mois. Que nos espérances soient confirmées ou démenties par les faits, c’est dans la perspective des conséquences de la récolte et de la prochaine campagne industrielle qu’est la véritable question intérieure du moment.

Les ténébreux amans du silence doivent être contens : le parlement an-