Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/1022

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On ne sait rien de précis sur la musique religieuse des grands peuples de l’Orient, tels que les Égyptiens, les Indiens, les Mèdes, les Perses. Nous savons un peu mieux que, chez les Hébreux, dont l’histoire est la source des origines du christianisme, la musique occupait une place très importante dans le culte de Jéhovah. Sans prendre au pied de la lettre les récits légendaires de la Bille, il est certain qu’un grand nombre de voix et d’instrumens, divisés en groupes que dirigeait un chorège, prenaient part aux cérémonies religieuses dans le temple de Salomon. Que pouvait être la musique qu’on y exécutait et qui exprimait les sublimes élans des psaumes du roi David? Sans doute une courte mélodie, une mélopée solennelle chantée à l’unisson par toutes les voix réunies, et répétée ensuite par chacun des groupes du chœur, quelque chose de semblable au chant grégorien des premiers temps de l’église. Il est certain que ce n’est pas dans l’enfance d’un art qu’il faut chercher la manifestation distincte et saisissable d’un sentiment particulier de l’âme, et tout nous autorise à croire qu’il n’a pas existé de musique religieuse proprement dite avant les Grecs. Ce peuple si merveilleusement doué, qui a parlé la plus belle langue du monde, qui a laissé des monumens désespérans de son goût, de sa finesse et de l’universalité de ses connaissances, a possédé aussi un système musical dont les différens modes pouvaient s’approprier aux nuances les plus délicates de la poésie. Les Grecs ont dû avoir une musique religieuse qui différait de la musique mondaine autant que les cérémonies et la poésie de leur culte se distinguaient de leurs fêtes dramatiques et nationales : de beaux chœurs à l’unisson, accompagnés par divers instrumens, tels que des flûtes et des lyres; de courtes et larges mélopées, suivant les sinuosités des rhythmes d’une poésie sonore et incomparable; de grands effets d’ensemble où quelques intervalles euphoniques de tierce et de sixte réunissaient les voix d’hommes aux voix de femmes et d’enfans. Le christianisme a tiré les élémens de sa musique du système musical des Grecs, dont il a simplifié les procédés. La mélopée grégorienne, née du besoin de répandre promptement dans le peuple païen la parole liturgique, est devenue le chant public de l’église. Sur cette forme rudimentaire du plain-chant, qui manque de mouvement, de précision et d’accent, qui ne peut guère exprimer qu’une disposition calme et solennelle de l’âme, le temps, les besoins croissans de la fantaisie et de la passion ont créé un art tout nouveau qui a envahi les temples catholiques, et dont l’église n’a pu arrêter les développemens. Tout le long du moyen âge, qui est une grande époque de travail et d’enfantement, on n’entend que des plaintes amères sur l’altération que subit incessamment le chant grégorien, sur les profanations de la fantaisie mondaine et populaire qui font irruption dans le drame liturgique. De ce désordre fécond, qui se prolonge jusqu’au concile de Trente, se dégage la première musique religieuse qu’ait possédée l’église catholique, la musique de Palestrina et de son école, qui forme la transition entre le moyen âge et la musique moderne, qui apparaît au commencement du XVIIIe siècle. De beaux monumens de musique vraiment religieuse ont été créés par les successeurs de Palestrina dans l’école romaine, par les maîtres de l’école napolitaine, Scarlatti, Léo, Pergolèse, Jomelli, et une foule de compositeurs moins célèbres, par les