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deux Haydn, Mozart et les musiciens distingués de l’Allemagne catholique. Ce n’est donc pas la musique religieuse qui manque à l’église, mais le goût, les moyens d’exécution, les artistes capables d’en rendre les effets sublimes, profonds et touchans.

L’église en général, mais surtout l’église de France, est dans une position extrêmement difficile. Hostile depuis longtemps à la libre expansion de l’esprit humain qu’elle n’a pu contenir dans les limbes de la scolastique, elle s’est concentrée dans un coin de la société morale et politique où elle essaie vainement de retenir le siècle qui marche ailleurs. Quoi qu’en disent ses chefs et ses prétendus docteurs, l’église voit lui échapper le gouvernement des âmes et des esprits d’élite; elle n’a plus d’art et plus de poésie qui lui soient propres. Son idéal s’est écroulé, et il ne peut plus satisfaire aux ardeurs généreuses, aux espérances infinies d’un peuple libre qui voit Dieu face à face et qui l’adore dans les grandes lois qui régissent le monde qu’il a créé. Jamais le sentiment religieux n’a été plus intense, plus profond et plus universel que de nos jours; jamais la notion de Dieu n’est apparue plus clairement à la raison humaine, et jamais l’art catholique n’a été plus misérable et plus indigne de son objet. Cette décadence de l’art religieux est si visible qu’elle a frappé le clergé lui-même, puisqu’il cherche, par des moyens artificiels, à en renouveler la sève. Réussira-t-il dans sa louable entreprise? Il ne serait peut-être pas plus difficile de trouver le secret de la transfusion du sang. Une école de musique religieuse a été fondée à Paris, il y a quelques années, par un homme de talent qui vient de mourir, M. Niedermeyer; un congrès pour la restauration du même art s’est formé également dans cette grande ville sous l’influence de plusieurs esprits distingués, de nombreuses éditions du chant grégorien ont été publiées tant en France qu’en Belgique, des recherches curieuses et savantes ont été faites pour retrouver ce type du chant de l’église dont saint Bernard nous a laissé une si admirable définition. De tous ces efforts il n’est encore sorti que cette grande vérité : que l’église n’a plus d’art particulier qui s’inspire de son esprit, que le chant grégorien est une forme usée et insuffisante qui ne répond plus aux besoins religieux de notre époque, et ne peut se maintenir à côté de l’art et de la tonalité modernes. Nous aurons l’occasion de revenir sur cette question de la musique religieuse, qui touche à des idées d’un ordre si élevé.


P. SCUDO.



MIECISLAS KAMIENSEI tué à Magenta, Souvenir.[1]


Les événemens où se joue la destinée des peuples font bien des blessures individuelles; ils cachent bien des faits obscurs qui se perdent dans ces crises gigantesques dont le dénoûment est quelquefois l’avènement victorieux d’une nation, quelquefois aussi sa défaite. Parmi toutes ces têtes in-

  1. 1 vol. in-18. Librairie-Nouvelle, boulevard des Italiens, 1861.