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aux chambres législatives, des magistrats et des hommes d’état au gouvernement. — Le barreau anglais a été, nous le savons, l’objet d’assez vives critiques. On a prétendu que les jeunes gens n’y étaient point préparés par des études suffisantes, et que le stage forcé de trois années était plutôt marqué par les dîners périodiques de Temple-Bar que par une application sérieuse aux affaires. On a fait remarquer en outre que les abords de la carrière, libres en principe, étaient rendus difficiles comme à plaisir par les nécessités de luxe et de dépense qui sont imposées même à l’avocat stagiaire. Quant à l’avocat qui, ayant franchi le stage, est admis par le comité au nombre des barristers, c’est-à-dire des avocats inscrits, il semble que ses efforts tendent moins à devenir un orateur disert, un savant légiste, qu’à passer pour un gentleman accompli. — Ce portrait est-il bien celui de l’avocat anglais, et le juger ainsi, n’est-ce pas le voir avec nos préjugés et nos habitudes ? S’il est vrai que l’avocat français recherche plus volontiers le silence du cabinet, l’avocat anglais semble tenir de l’avocat romain, qui savait être à la fois sénateur, augure et soldat, et pouvait suffire à tous ces emplois, répondre à toutes les nécessités de cette vie agitée et remplie. Les dîners de Temple-Bar ne sont en Angleterre que le souvenir ou le reste d’un ancien usage : le stage se comptait par les dîners qui avaient eu lieu dans les salles du collège, parce que l’assiduité aux audiences exigeait que les repas fussent pris dans l’enceinte même où se tenaient les assises, pendant le terme de la session, tandis qu’en France l’assiduité est constatée par la signature des stagiaires déposée sur un registre, ou par tout autre moyen de contrôle laissé à l’appréciation du conseil de l’ordre. Par sa tenue et ses habitudes, l’avocat français est presque un magistrat : les barristers sont des hommes du monde ; mais qu’importe si l’étude des affaires y trouve son compte et si le plaideur est satisfait ? L’organisation judiciaire dans la Grande-Bretagne paraît d’ailleurs beaucoup moins exiger de l’homme de cabinet ; les affaires s’instruisent en grande partie à l’audience, et les débats publics, la composition du tribunal, formé de jurés et de magistrats, l’immense retentissement de la presse, offrent à l’œuvre de la justice de sérieuses garanties. Ce qu’il importe surtout de constater en Angleterre, c’est l’alliance du barreau et de la liberté ; Guidé par le principe que nous avons posé tout d’abord, nous avons interrogé le pays des libertés par excellence, et la réponse est bien ce qu’elle devait être, ce que nous désirions qu’elle fût. Le barreau anglais nous montre Erskine, et cela suffit : là où l’on a le droit de tout dire, la liberté publique ne court aucun péril. À ce barrister qui vous paraît un peu trop mêlé au brillant et superficiel mouvement de la vie, allez dire qu’un citoyen est arrêté préventivement, qu’arraché à sa famille, il