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d’un chemin de fer sur le bord de la Tamise, offrant une nouvelle issue au gigantesque mouvement commercial qui s’y rattache. Le Strand, Fleet-street et Cornhill pourraient être ainsi laissés à la circulation ordinaire. Londres est en ce moment engagé dans un plan général d’améliorations dont la dépense n’est pas estimée à moins de 375 millions. La banque d’Angleterre avance en particulier 75 millions pour la création d’un système de grandes artères de circulation : elle compte se rembourser au moyen de taxes locales. L’endiguement de la Tamise, qui se trouve en dehors de ces grands projets, serait payé par un impôt local de 90 centimes perçu sur chaque tonne de charbon consommé à Londres et à vingt milles à la ronde.

Nous sommes loin de ces travaux immenses et nous ne réclamons pas pour la capitale de la France de telles entreprises. Cependant les besoins de la circulation ne se sont-ils pas accrus à Paris comme à Londres ? À Paris, le chiffre de la population en dix années s’est élevé de près de 50 pour 100, Paris n’est pas seulement la capitale de la France, c’est à divers points de vue, et tout faux orgueil national à part, la capitale du monde. D’autres villes invitent ou retiennent l’étranger par des attraits particuliers, par une grande activité politique et commerciale comme Londres, par le charme du climat ou la majesté des souvenirs, comme Naples, Rome, Venise ; Paris offre des séductions non moins puissantes et plus variées qu’aucune de ces villes, et le flot des voyageurs tend à s’y porter de plus en plus. Il s’agit par conséquent de pourvoir aux nécessités de circulation de cette population indigène et de cette population étrangère qui croissent d’année en année. Sans aborder ce sujet des travaux de Paris, qui mérite d’être traité à part, on peut dire sommairement, et avec la certitude de ne soulever aucune objection, que pour l’assainissement et la salubrité on a beaucoup fait et bien fait, que pour les embellissemens on a plus fait encore, mais fait trop vite et trop chèrement. Quant aux besoins de la circulation, ils sont toujours bien loin d’être satisfaits, malgré la création de larges et nombreux débouchés[1]. Il est de toute évidence que sous ce rapport

  1. La création des halles centrales, si louable à tous égards, qui a nécessité de si grands sacrifices, fournit la preuve la plus évidente de ce manque de débouchés que nous signalons. Hors un seul côté et sur un seul point, l’accès des halles est partout interdit aux différens quartiers de la capitale, et des ruelles tortueuses et impraticables permettent seules d’aborder au vaste réservoir où s’alimente la vie quotidienne de ce grand camp. La plupart des gares de chemins de fer ne sont construites que sur des places trop étroites ou manquant de voies larges et droites qui conduisent des extrémités au centre. Quant au centre même, il suffit de jeter les yeux sur l’espace compris entre les Tuileries et les boulevards d’un côté, la Bourse et la place Vendôme de l’autre, pour comprendre ce que les nécessités de la circulation exigent de sacrifices et de travaux.