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pour qu’elles pussent se procurer, en le négociant, les sommes qui leur étaient immédiatement nécessaires. Seulement on se défia du succès de ce titre sur le marché, et l’on trouva le moyen d’en faire ressource pour les compagnies sans affronter le public. On avait sous la main la caisse des dépôts et consignations, laquelle, avec les dépôts provenant des caisses d’épargne et des consignations judiciaires, a des emplois considérables de fonds à faire. La caisse des dépôts prendrait aux compagnies ces obligations trentenaires aux prix auxquels l’état les leur aurait remises. Les choses ainsi arrangées, l’on a marché pendant plusieurs années sans autrement se préoccuper des obligations trentenaires. Le public financier ne voyait là qu’un expédient par lequel on faisait prêter aux compagnies par la caisse des dépôts les sommes que le gouvernement n’avait pas pu payer aux échéances antérieurement fixées. C’était, croyait-on, un biais pour différer un emprunt. On pensait que ces comptes seraient régularisés lorsque l’état se déciderait à emprunter, et que le public n’aurait ainsi jamais connu l’obligation trentenaire que de nom.

En effet, la caisse des dépôts a pris aux compagnies et possède à l’heure qu’il est une somme d’obligations trentenaires qui atteint aux environs de 100 millions ; mais sa situation financière ne lui permet pas d’aller au-delà de ce chiffre. L’expédient est donc à bout, et le moment était venu, ce semble, pour le gouvernement et pour la chambre, d’examiner dans une discussion publique quel était le meilleur système à employer pour remplir les obligations déjà existantes de l’état envers les compagnies, et celles que l’état allait contracter dans la construction des chemins de fer. Nous ne doutons point que la nécessité ou la convenance d’un emprunt sur rentes n’eût été démontrée par une telle discussion. Emprunt sur obligations ou emprunt sur rentes, quelle que soit la forme, la chose subsiste, il y a emprunt. L’emprunt étant nécessaire et devant s’accomplir, le crédit de l’état y étant engagé au même degré, sous quelque forme qu’on le présente, qu’y a-t-il de plus simple et de plus sage que d’emprunter sur le type du crédit le mieux compris et le plus goûté ? Pourquoi compliquer et embrouiller le jeu du crédit public par la création d’un étalon nouveau, lorsqu’au contraire le progrès en matière d’emprunts est d’approcher le plus possible de l’unité de titres ? Nous omettons beaucoup de considérations techniques ou qui ressortent de l’objet même de l’emprunt, qui est la construction de chemins de fer ; le vice évident de l’obligation trentenaire est de faire une double concurrence et aux fonds de l’état et aux obligations qui représentent le crédit des compagnies, d’alourdir gauchement par là les deux ressorts du marché des fonds publics. Nous le répétons, avant de prendre un parti décisif, il aurait fallu s’éclairer par une discussion générale. Or l’on a voté sans discussion la loi sur les obligations trentenaires. Si la discussion a fait défaut, on doit l’attribuer au retard mis par l’administration à la présentation des projets. On aura beau dire, mais les formes parlementaires régulières sont encore ce qui est le plus favorable à la bonne expédition des affaires. M, Billault a promis