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VERA, après un instant de silence.

Réfléchissez et donnez-moi une autre réponse.

GORSKI.

Je réponds toujours mieux lorsque je ne réfléchis pas.

VERA.

Vous êtes aussi capricieux qu’une petite fille.

GORSKI.

Et vous êtes terriblement clairvoyante… Mais vous m’excuserez… Il me semble avoir dit : Attendez. Cette malheureuse expression s’est échappée de mes lèvres.

VERA, avec une rougeur subite.

Ah ! Vraiment ? Merci de votre franchise. (Gorski veut répondre, mais la porte du salon s’ouvre, et tous entrent, excepté mademoiselle Bienaimé. Anna Vassilovna parait joyeuse : elle donne le bras à Moukhine.)

MADAME LIBANOF

Le croiriez-vous, Eugène ? nous avons entièrement ruiné M. Moukhine… Oui, vraiment. Mais quel joueur passionné !

GORSKI.

Ah ! je ne le savais pas si épris du jeu.

MADAME LIBANOF, s’asseyant.

On pourrait se promener à présent.

MOUKHINE, avec un dépit contenu en s’approchant de la fenêtre.

Pas trop. Il commence à pleuvoir.

VARVARA IVANOVNA.

Le baromètre a beaucoup baissé aujourd’hui… (Elle s’assied un peu en arrière de madame Libanof.]

MADAME LIBANOF

Réellement ! Comme c’est contrariant ! Eh bien ! il faut organiser quelque chose… Eugène et vous, Vladimir, c’est votre affaire.

TCHOUKHANOF.

Quelqu’un veut-il se mesurer avec moi au billard ? (Personne ne répond.) Ou bien quelqu’un voudrait-il prendre un petit verre d’eau-de-vie ? (Nouveau silence.) S’il en est ainsi, j’irai seul et je boirai à la santé de toute l’honorable société. (Il sort.)

MADAME LIBANOF

Que faites-vous donc, messieurs ? Allons, Gorski, imaginez quelque chose.

GORSKI.

Dois-je vous lire l’introduction de l’histoire naturelle de M. de Buffon ?

MADAME LIBANOF

Quelle plaisanterie !

GORSKI.

Résignons-nous alors aux petits jeux innocens.

MADAME LIBANOF

Comme vous voudrez… Du reste ce n’est pas ma cause que je plaide. Mon intendant doit m’attendre au bureau… Y est-il déjà, Varvara Ivanovna ?