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revers, avait mesuré ses ressources à la fortune toujours croissante de l’insurrection ; il les avait jugées insuffisantes pour couvrir la capitale et le trône, et, dépouillant en partie cette présomption qui dans un autre temps avait fait fondre tant de calamités sur l’empire, il s’était décidé à réclamer l’appui des barbares. Obéissant à l’ordre qu’il avait reçu du vice-roi Yang-ouan-ting et se fondant sur les traités d’amitié qui unissaient l’empire aux plus puissantes nations étrangères, l’intendant en résidence à Chang-hai, le tao-taë Ou, avait demandé aux agens de ces nations le secours de leurs bâtimens de guerre. Une déclaration de neutralité fut la réponse. Forcé de renoncer à l’espoir d’un secours qui aurait sans doute assuré son triomphe, mais qu’il avait imploré trop tard, l’empereur Hienn-foung tenta un puissant effort contre l’ennemi. Déjà il avait donné l’ordre aux troupes tartares du Ghi-rin[1] de se rendre en toute hâte sur le théâtre de la guerre, et un corps de six mille hommes, sous la conduite de son oncle, était arrivé à la jonction du Grand-Canal et du Fleuve-Jaune. En ce moment, toutes les réserves du Chan-tong et du Hou-kouang furent mandées ; une flotte composée de quarante-huit lorchas portugaises et de deux bricks achetés par le tao-taë de Changhaï remonta le Yang-tze-kiang, et le 14 avril ce même fonctionnaire annonça par une proclamation que « les forces impériales, au nombre de cent mille hommes, s’étaient rassemblées, comme des nuages menaçans, autour de Nankin, » sous la conduite de Hiang-yong et de Ki-chen[2].

Le 30 avril, un décret impérial publié dans la Gazette de Pékin déclarait que depuis le commencement de l’insurrection vingt-sept millions de taëls avaient été dépensés pour les nécessités de la guerre, et que, ces nécessités croissant tous les jours, l’empereur était obligé de faire un appel à la généreuse fidélité de ses sujets. Toutefois, afin de leur ménager une sorte de compensation pour les sacrifices qu’ils allaient s’imposer, il avait décidé qu’il accorderait un diplôme de mandarin de première classe à chaque province qui contribuerait aux frais des opérations militaires pour cent mille

  1. Le Ghi-rin est une des trois provinces de la Mandchourie. — Les deux autres sont le Shin-king, qui touche à la frontière nord-est du Tchi-li, et le Tsi-tsi-har ou He-long-kiang, qui confine à l’ouest et au nord à la Sibérie. — Le Ghi-rin est bordé à l’est par la mer du Japon. La grande île de Saghalien en dépend. La partie de cette province et du He-long-kiang qui est située entre le fleuve Amour et les monts Ya-blo-noi a été récemment cédée par la Chine à la Russie.
  2. Ki-chen est un personnage historique. C’est lui qui, par les conventions préliminaires du 20 janvier 1811, a cédé Hong-kong aux Anglais. Ces conventions n’ayant pas été d’abord ratifiées par Tao-kouang, Ki-chen fut disgracié et mandé à Pékin pour y rendre compte de sa conduite. On le retrouve plus tard emplissant les fonctions d’envoyé impérial au Thibet, où il a été visité par MM. Hue et Gabet.