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L’INSURRECTION CHINOISE.

taëls, et un diplôme d’un ordre moins élevé à chaque district qui en offrirait dix mille. Il ajoutait qu’il maudissait d’avance au fond de son cœur les fonctionnaires qui verraient dans cette demande de contributions volontaires un prétexte pour vexer le peuple.

Peu de jours après, l’insurrection remportait de nouvelles victoires. Au moment même où elle triomphait dans le Kiang-sou, les sociétés secrètes soulevaient une partie de la province du Fo-kien. Le 15 mai, deux ou trois mille rebelles affiliés à la société du petit couteau[1] mettaient le siége devant Amoy[2] et s’en emparaient. Le trésor public fut pillé ; mais les propriétés privées, celles des habitans chinois aussi bien que celles des étrangers, furent respectées. Il n’y avait pas en ce moment dans les villes voisines de forces suffisantes pour reprendre Amoy : l’amiral commandant la flotte impériale se tenait prudemment à distance, n’osant attaquer la flotte rebelle. Informé de ces circonstances par un rapport du vice-roi Ouang-i-tih, l’empereur engagea les habitans de la province à former des corps de volontaires et à repousser eux-mêmes ces pillards et ces bandits. Les événemens ne tardèrent pas à justifier la prévision impériale. Les volontaires firent ce que n’avaient pu faire les troupes régulières : ils combattirent les insurgés avec valeur et les délogèrent de la plupart des positions qu’ils occupaient.

En mettant le siége devant Nankin, le général Hiang-yong avait annoncé, dans une proclamation adressée à ses troupes, « qu’il brûlait de racheter ses revers par des victoires, » et qu’il ne tarderait pas à exterminer les brigands qui s’étaient emparés de la seconde ville de l’empire. Ses premiers actes parurent répondre à ses promesses. Vers la fin d’avril, il avait remporté un avantage signalé sous les murs de Nankin ; quelques jours après, il attaquait un corps nombreux d’insurgés à une petite distance de la ville, entrait dans leurs retranchemens, leur brûlait deux camps et leur tuait quatre mille hommes. C’est à partir de cette époque que l’insurrection prend un nouveau caractère. On a vu l’orage qui menace aujourd’hui la domination tartare se former d’abord lentement dans le Kouang-si, s’avancer ensuite rapidement vers le nord sans dévier de sa marche envahissante, et venir enfin éclater à Nankin. Maintenant Hong-siou-tsiouen n’est plus un rebelle : il a conquis ses droits de souveraineté ; il a établi un trône chinois, un trône populaire, dans la ville qui fut la première capitale des Ming, en face du trône tartare, du trône oppresseur et détesté qui est encore debout à Pékin. Il ne se reposera pas tant qu’il n’aura point renversé ce trône rival,

  1. L’une des branches de la Triade.
  2. L’un des ports ouverts aux étrangers par les conventions diplomatiques.