Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/339

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n’avons d’autre but que de reprendre la terre qui nous appartient. Nous sommes en guerre avec la dynastie tartare, mais nous ne voulons aucun mal aux nations étrangères. Vos compatriotes attachent beaucoup d’importance au commerce. Nous vous accorderons des avantages plus grands que ne pourra vous en offrir la dynastie des Tsing, car une fois que vous serez entrés en relations amicales avec nous, nous vous donnerons liberté complète de faire le commerce dans toutes les villes sans exception. Je ne puis m’expliquer en aucune façon le ton fallacieux et grossier de la communication qui m’a été remise. Il me paraît raisonnable d’en conclure que vous ne tenez aucun compte de la communauté de nos sentimens et de nos croyances, et qu’après tout vous avez eu peut-être l’intention d’entrer en lutte avec moi.

« C’est pourquoi j’ai voulu éclairer par cette notification les divers pays dont les nationaux résident à Shang-haï. Si vous désirez faire le commerce sous nos auspices, venez vous consulter avec nous sur les termes du traité à conclure ; mais, si c’est votre désir de créer inutilement des difficultés et de nous faire la guerre, alors mes troupes se mettront en mouvement comme les flots de la mer. Je serai inébranlable dans ma résolution, comme les montagnes sur leurs bases. L’avenir décidera de quel côté sera la victoire et de quel côté la défaite. J’ai la confiance que vous comprendrez vos intérêts, et que vous vous épargnerez les maux qui vous attendent. »


Cette communication était en même temps une menace et une fanfaronnade[1]. Depuis la tentative du 22 août 1860, nos cartons ont tenu à respectueuse distance l’invincible armée du tchong-ouang, et nous n’aurions pas eu à nous plaindre de ce dangereux voisinage sans le meurtre d’un missionnaire catholique, le père Massa, de l’ordre des jésuites, qui, surpris aux environs du collège de Zekaveï par une troupe de rôdeurs, a été dépouillé et impitoyablement massacré. Le roi fidèle n’a pas attendu qu’on exigeât de lui le châtiment des coupables. Après nous avoir donné l’assurance qu’une fatale erreur avait été commise et qu’on avait pris le père Massa pour un impérialiste, il s’est hâté de nous offrir ses excuses et de nous annoncer qu’il avait puni les assassins. Il sera toujours en Chine d’une

  1. Avant de recevoir la notification des ministres de France et d’Angleterre, le tcjong-ouang avait écrit aux consuls une lettre fort curieuse dont la traduction a paru dans le North-China-Herald, et par laquelle il accusait les étrangers, les Français particulièrement, de l’avoir trahi en le faisant engager par leurs émissaires à venir à Shang-haï et en aidant ensuite les impériaux, qui avaient acheté leurs services, à repousser ses soldats. Cette lettre renfermait des récriminations amères et des menaces. « Trompé par vos avances, y disait-il, je venais à Shang-haï pour y signer avec vous un traité. Vous avez tiré l’épée contre vos frères en religion ; ne vous étonnez donc point si j’arrête les marchandises et les produits qui alimentent votre commerce. » Plus tard il jugea prudent d’abandonner le système d’intimidation qu’il avait suivi jusqu’alors et changea complètement de ton. La communication que reçut de lui lord Elgin en septembre 1860 fait seulement appel à nos sentimens chrétiens et à nos intérêts.