Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/342

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Ouang-mao-yin, attaché au département de la guerre, a consulté les signes du temps, et il ne doit pas cacher à l’empereur que les phénomènes aussi bien que les faits dont il a été témoin l’ont frappé d’un effroi mystérieux. Depuis quelques mois, des torrens d’eau inondent les plaines, et quand la pluie cesse, la lumière des astres est triste et voilée. À Kin-tchao, près de la province qui fut le berceau de la dynastie, le sol s’est entr’ouvert, et le même jour la terre a tremblé quarante-deux fois. À Pékin, l’argent est si rare que la valeur en est quatre fois plus grande ; les vivres font défaut, la population tartare elle-même est désaffectionnée. Partout la rébellion gagne des forces, chaque jour apporte des nouvelles de plus en plus fâcheuses. Les plus braves et les plus habiles généraux ont succombé sur le champ de bataille. Les troupes ne sont plus payées, et leur fidélité chancelle. Dans une aussi grave situation, il convient de ne pas dédaigner les manifestations du courroux céleste, et pour apaiser la colère divine il faut écouter la voix du peuple, qui est aussi la voix de Dieu. Les misères du peuple sont à leur comble, et l’empereur n’a rien épargné pour les secourir ; mais les connaît-il bien, et ses sujets, qu’il chérit comme ses enfans, ont-ils entendu parler de la bonté de son cœur ? Les anciens souverains de la Chine ne faisaient pas fermer les portes de leur palais : ils voulaient que les conseils de tous y pussent pénétrer, que l’intelligence et le bon sens de la multitude les éclairassent au besoin sur le choix des fonctionnaires, sur les mesures importantes auxquelles le gouvernement devait recourir dans les circonstances difficiles. L’illustre et modeste Yu a dit : « L’orgueil amène la ruine, mais l’humilité assure le succès. » Fidèle à cette admirable maxime, l’empereur a constamment accueilli avec respect les avis et les remontrances, il en a toujours tenu compte lorsque le dévouement et la raison les avaient dictés ; malheureusement depuis quelque temps ces avis sont devenus plus timides et plus rares. On dirait que l’on craint de prendre l’initiative, et que l’on tremble de parler suivant sa conscience à moins d’y être invité. La Providence, dans sa clairvoyante sollicitude, a départi à chaque époque la somme de capacités et de talens qui lui est nécessaire. Si on ne trouve ni habileté ni indépendance parmi les sommités officielles, qu’on les cherche dans les rangs inférieurs de la société. En consultant les sentimens du peuple, on les trouvera sans peine, et le ciel récompensera la condescendance paternelle du gouvernement. Dévoués et reconnaissans, les habitans de l’empire n’écouteront plus les fallacieuses promesses des rebelles et repousseront leurs perfides avances. Haïe des populations, combattue par des généraux capables et fidèles, l’insurrection sera vaincue. Ouang-mao-yin a été comblé des gracieuses faveurs de son souverain. Il