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L’INSURRECTION CHINOISE.

Nous devons faire un exemple. Que Si-ling-a soit sévèrement examiné par Ki-chen, et, s’il essaie de déguiser sa faute, qu’il nous en soit rendu compte. » Le décret qui concernait le général tartare était accompagné[1] d’une autre manifestation de la volonté impériale relative à Saï-chang-ha et à Siu-kouang-tsin. Ils avaient été mandés à Pékin pour y rendre compte de leur conduite et condamnés à la décapitation. Leur supplice devait avoir lieu en automne. En attendant que le moment de leur exécution fût arrivé, l’empereur ne voulut pas priver sa cause des services que pourraient encore lui rendre leurs talens. Il envoya Saï-chang-ha servir sous les ordres du vice-roi du Tchi-li, et Siu-kouang-tsin sous ceux du gouverneur du Ho-nan. « Qu’ils aillent porter dans ces emplois subalternes, dit le décret, les marques de leur disgrâce, et qu’ils y cherchent des occasions de se distinguer. »

La confiance que Hienn-foung semblait ainsi témoigner à des fonctionnaires qu’il avait flétris par un décret, et qu’un arrêt des tribunaux supérieurs avait condamnés à mort, parut dangereuse à deux illustres personnages dont la vie était encore pure de pareils antécédens. L’un était membre du collége de Han-lin, l’autre parent de l’empereur. Ils adressèrent collectivement à leur souverain de respectueuses remontrances à ce sujet. Ce dernier leur répondit que, « dans la fâcheuse situation où se trouvaient les affaires de l’état, il était avantageux que chacun s’employât pour la défense du trône menacé, qu’il avait jugé à propos de conférer des fonctions subalternes à Saï et à Siu en raison de l’expérience qu’ils avaient sans doute acquise, mais que, s’ils n’effaçaient pas leurs fautes passées par leurs belles actions, ils subiraient certainement la condamnation qu’ils avaient encourue[2]. »

Victorieuse au nord du Yang-tze-kiang et déjà maîtresse d’une partie du Ho-nan, l’insurrection ne cessait de guerroyer contre les soldats de Hienn-foung dans le centre et le sud de l’empire. Elle se fortifiait sur les bords du grand fleuve et s’étendait dans le Kiang-si sans avoir abandonné ses anciennes conquêtes. Pour faire face à de si nombreux et de si pressans périls, il eût fallu au gouvernement chinois des finances prospères et une vaillante armée. Il venait d’appeler à son aide une partie des cohortes du Tsi-tsi-har, hordes turbulentes et indisciplinées dont la présence sur le territoire de l’empire était elle-même un danger ; mais l’argent commençait à devenir rare et déjà les coffres de l’état étaient presque vides. Le trésorier du Kiang-nan, rendant compte à l’empereur des dépenses occasionnées

  1. Dans la Gazette de Pékin du 18 juillet.
  2. Il est probable que l’empereur avait lui-même provoqué ces remontrances, afin de pouvoir donner à son peuple ces explications.