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REVUE DES DEUX MONDES.

dans sa province par les opérations militaires, avait mis sous ses yeux le chiffre alarmant de 5 401 000 taëls[1]. Les dix-huit mille hommes du commissaire impérial Hiang-yong avaient absorbé à eux seuls 2 300 000 taëls depuis que ce général était arrivé sous les murs de Nankin avec son armée. Le trésorier demandait l’autorisation de faire un emprunt au trésor public de Chan-tong. Dans cette situation critique, les conseillers du souverain n’imaginèrent que des expédiens désastreux, futiles ou impraticables. L’un d’eux voulait que l’on suivît l’exemple de l’empereur Kang-hi, qui, pour payer ses armées, avait fait fondre les statues de Boudha. L’altération des monnaies fut proposée par le gouverneur du Ho-nan comme une mesure grave à la vérité, mais que devaient justifier suffisamment les circonstances exceptionnelles où l’empire se trouvait placé. « Dans certaines provinces, disait-il, le fer est aussi commun que la pierre. Pourquoi ne l’emploierait-on pas au lieu du cuivre pour la fabrication de la monnaie de billon ? On pourrait, par exemple, en faire de très petites pièces dont deux mille vaudraient un taël. » L’empereur ne se hâta point de mettre ce conseil à exécution, mais il répondit au fonctionnaire en quête d’expédiens qu’il prenait son avis en considération. Hienn-foung eût trouvé sans doute plus d’avantages à écouter les propositions du censeur Fou-hing-a, si le périlleux état de ses affaires lui avait permis de sévir contre ceux dont il attendait encore son salut. Fou-hing-a voulait qu’on fît rendre gorge aux concussionnaires. « A présent, disait-il dans son rapport, le trésor public est vide, comme chacun le sait bien ; cependant il y a des fonctionnaires fort riches qui ont acheté très cher de hauts emplois pour eux et leurs fils, et qui ont encore d’immenses ressources. Ont-ils agi dans leur propre intérêt ou dans celui de l’état en payant, par leurs contributions volontaires, les honneurs dont ils jouissent maintenant, eux et leurs enfans ? Et d’ailleurs où ont-ils acquis tant d’argent ? » Ici le censeur citait des exemples et des noms ; il signalait les malversations des directeurs des douanes de Canton et de Kouei-tchéou dans le Se-tchouen, et affirmait que, tout compte fait, les détournemens des concussionnaires ne montaient pas annuellement à moins de 8 millions de taëls[2]. « Il faudrait, disait-il en terminant, les récompenser s’ils restituaient à l’état ce qu’ils lui ont pris, mais les punir sévèrement s’ils persistaient dans leur gestion infidèle. »

Après avoir été vaincue et dispersée par Si-ling-a sur les bords du Fleuve-Jaune, l’armée insurrectionnelle avait réussi à reformer

  1. Près de 40 millions 1, 2 de notre monnaie.
  2. Environ 60 millions de francs.