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tant que ses armées n’auront pas refoulé au-delà du Fleuve-Jaune, ou même jusqu’aux frontières de Tartane, les derniers soldats mandchoux, ses ministres devront être avant tout des généraux, et sa capitale restera un camp.

Au-dessous de Hong-siou-tsiouen, roi céleste (tin-ouang) et chef de la dynastie pacifique (taï-ping-ouang), nous voyons siéger à l’origine cinq autres rois (ouang) qui exercent les plus hautes fonctions de son gouvernement. Ce sont Yang-siou-tsing, le mari de la sœur aînée, qui prend le titre de roi de l’est (tchong-ouang) et de premier ministre d’état ; Siaou-tchaou-koueï, également son beau-frère, qui prend le titre de roi de l’ouest (si-ouang) et de second ministre d’état ; Foung-youn-san, qui est roi du sud (nam-ouang) ; Oueï-tching, roi du nord (pé-ouang), et Chi-ta-kah, roi assistant. Les rois de l’est et de l’ouest ont aussi le titre de premiers généralissimes ; ceux du sud et du nord remplissent les fonctions de lieutenans-généralissimes. Le premier commande l’avant-garde, le second l’arrière-garde. Le roi assistant n’a pas d’emploi dans l’armée : il doit siéger constamment à côté du tin-ouang (roi céleste), et l’aider à régler les affaires de la cour[1].

L’institution des cinq rois remonte au mois de novembre 1851. Le chef de l’insurrection n’était pas encore sorti du Kouang-si. Il se trouvait à Young-ngan-tchao, où il séjourna quelque temps en dépit des efforts du vice-roi Su, et où il rédigea un grand nombre de proclamations. Celle d’où est sortie la création des rois est particulièrement remarquable. Hong-siou-tsiouen y rappelle à ses soldats que Dieu seul a droit aux dénominations de saint et de père. Il leur défend en conséquence de l’appeler désormais chang ou ti ; il conservera seulement le titre de ouang, et sera tin-ouang (roi céleste)[2]. Pour Yang, Siaou, Foung, Oueï et Chi, auxquels il avait laissé prendre « par condescendance pour les usages corrompus du siècle le titre de pères royaux, » on devra les appeler à l’avenir (trois de l’est, de l’ouest, du sud, du nord, et roi assistant[3]. »

Les rois de l’ouest et du sud ont péri sur le champ de bataille avant la prise de Nankin ; ceux du nord et de l’est sont tombés dans le conflit sanglant que leurs mutuelles rivalités avaient fait naître, et dont on a lu plus haut le récit. Chi-ta-kah est maintenant généralissime, et commande, dit-on, l’armée insurrectionnelle, qui occupe la plus grande partie du Tche-kiang. Taï-ping-ouang a institué récemment de nouvelles royautés pour récompenser les services ou flatter les ambitions de ses conseillers ; le tchong-ouang, qui s’est emparé

  1. Organisation de l’armée de Taî-ping, dans le Livre des décrets célestes.
  2. Les empereurs de la Chine prennent le titre de ouang-chang (roi suprême).
  3. Livre des décrets célestes.