Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/354

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toute sa rigueur : je veux parler du précepte qui proclame « la séquestration de la femme comme la source de tout bon gouvernement, » qui recommande de la tenir enfermée dans l’intérieur de sa maison quand la paix sera rétablie, dans un camp ou un quartier séparé tant que durera la guerre, et qui lui défend, sous les peines les plus sévères, de « se mêler des affaires du dehors. » La doctrine religieuse de Taï-ping-ouang n’a pas réalisé une des plus belles conquêtes du christianisme ; elle n’a pas relevé la femme de l’état d’infériorité et de déchéance morale auquel elle est soumise dans l’empire du milieu.

Ainsi l’égalité de tous les hommes, qui constitue, en présence d’un Dieu unique, le Dieu créateur et père, une seule et même famille dont tous les membres doivent être unis pour obéir à ses lois et aux destinées de leur nature par les liens d’un fraternel amour ; la croyance en Dieu, révélée par la conscience, perpétuée par la tradition nationale ; l’espoir du paradis, qui nous fait chérir nos épreuves et bénir nos propres misères ; la terreur de l’enfer, qui réprime nos mauvais instincts ; l’élection du peuple juif et la promulgation des dix commandemens qui sont restés la loi divine ; l’obéissance au Décalogue interprété par un commentaire habile qui prohibe l’usage de l’opium et le jeu ; la notion nettement définie de la Trinité ; l’ingratitude et l’avilissement de la créature nécessitant une rédemption ; la dignité humaine rehaussée par le monothéisme, qui nous met en rapport direct avec Dieu, exaltée par la mission de Moïse, par l’immolation du Christ, par l’entreprise de Hong-siou-tsiouen, qui a reçu un mandat divin, — voilà, si l’on supprime quelques traits secondaires, tout le système religieux de Taï-ping-ouang.

L’humiliation et le pervertissement du peuple chinois par la domination tartare ; la colère vengeresse de Dieu excitée par la corruption des Mandchoux et leur grossier polythéisme, sa compassion pour les malheurs d’une noble race qu’il avait jadis comblée de ses bienfaits et son intervention pour la sauver ; cette intervention même, qui s’est clairement révélée par les fréquentes entrevues de Hong-siou-tsiouen avec le Père céleste, attestant aux yeux de tous la divinité de la mission du chef insurgé ; la conformité de cette mission avec celle du Christ, qui guide lui-même l’entreprise et qui la couvre de sa protection fraternelle et toute-puissante ; l’infaillibilité des promesses, des menaces et des arrêts de Taï-ping-ouang, dont toutes les pensées et les paroles émanent d’une autorité divine ; le fanatisme inspirant à ses soldats une confiance aveugle dans le succès de sa cause ; la communauté du butin qui assure des ressources permanentes à la cause rebelle, qui refrène le pillage et prévient la débauche ; l’appel incessant que font à la bienveillante