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et active sympathie des nations étrangères ces théories d’origine et de croyances communes, ces assurances d’égalité fraternelle et les séduisantes perspectives qui en doivent naître, — voilà tout le système politique du chef de l’insurrection chinoise, système hardiment conçu, habilement combiné, et qui se rattache à sa théorie religieuse par un enchaînement logique.

Nous connaissons la doctrine, il s’agit maintenant d’en apprécier l’application.

Je ne sais si les plus chauds partisans de Hong-siou-tsiouen ont été aveuglés par l’ardeur de leurs sympathies au point d’être convaincus qu’il a été véritablement chrétien, et je croirais superflu de démentir ce qu’une telle opinion a d’aventureux. Taï-ping-ouang promet à tous ceux qui suivront ses préceptes religieux de magnifiques récompenses ici-bas, des jouissances matérielles dans une autre vie, et cependant Jésus-Christ a dit bien des fois à ses disciples que son royaume n’était pas de ce monde. Nous lisons dans le Livre des préceptes une invocation au grand Dieu dont le texte se rapproche de l’oraison dominicale ; mais nous n’y retrouvons pas cette simple et touchante expression de l’un des plus sublimes enseignemens du Christ : « Pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. » Hong-siou-tsiouen eût trouvé dangereux d’enseigner à ses partisans la consolante et pacifique doctrine du pardon des injures. N’avait-il pas engagé une lutte d’extermination contre ses irréconciliables ennemis les Tartares-Mandchoux, et pouvait-il enseigner le renoncement à soi-même à des hommes dont il lui fallait armer le cœur aussi bien que les bras dans l’intérêt de son ambition ? Le christianisme, en remplaçant l’ancienne loi, a aboli les sacrifices qu’elle prescrivait. Un cœur pur, sanctifié par les pratiques et les vertus évangéliques, telle est l’unique offrande qui soit agréable à Dieu depuis la mort de son fils sur la croix. Taï-ping-ouang n’a pas su, sous ce rapport comme sous tant d’autres, interpréter la loi nouvelle. Il veut que, dans toutes les circonstances solennelles de la vie, l’homme présente au grand Dieu des animaux, du thé, du vin ou du riz ; il ne s’est pas affranchi des entraves du judaïsme ou plutôt des pratiques idolâtriques en usage dans son pays. Le dogme du péché originel est si essentiel au christianisme qu’il est en partie sa raison d’être ; Taï-ping-ouang ne paraît même pas l’avoir soupçonné. Le dogme de l’incarnation lui échappe également. Il enseigne la mort du fils de Dieu sur la croix, mais il le fait venir directement du ciel, et rien dans ses écrits ne semble prouver qu’il serait disposé à croire que son frère aîné est issu d’une femme, qu’il a eu la même enfance et les mêmes infirmités que les autres hommes. Il ne paraît avoir aucune notion des sacremens, ces signes