Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/456

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avait été fait au consul britannique, et qu’il ne doutait point que le gouvernement français n’offrît sur-le-champ la réparation que l’Angleterre était en droit d’exiger.

Ces malencontreuses paroles produisirent en France, dans les chambres encore réunies, le seul effet qu’il fût possible d’en attendre. Depuis longtemps, tous ceux qui regardaient de près la situation redoutaient surtout une de ces questions irritantes qui mettraient directement en présence l’amour-propre ou l’honneur des deux pays, et cette complication survenait dans les circonstances les moins propices. Quant à nous, nous avions à rétablir les faits méconnus et exagérés, à revendiquer par exemple le droit d’expulser un étranger dangereux, droit inhérent au régime et conforme à la pratique de tout établissement colonial. Nous avions à repousser, comme absolument inadmissible, plus d’un projet de solution en faveur duquel sir Robert Peel et son cabinet semblaient à la veille même de se prononcer irrévocablement. Nous avions aussi à déterminer si l’honneur de la France était engagé à adopter ou à répudier de propos délibéré certaines paroles, certains actes de nos officiers, empreints de l’extrême précipitation du moment, si, en dépit du mauvais vouloir qu’il excitait, M. Pritchard n’avait point quelques titres à une équitable compensation pour ce qu’il avait souffert dans sa personne ou dans ses intérêts. De son côté, lord Aberdeen avait à réclamer la satisfaction que l’Angleterre et son gouvernement se croyaient impérieusement tenus de poursuivre à tout événement. Il était de son devoir, en évitant avec le plus grand soin tout ce qui aurait eu au moindre degré un caractère comminatoire, de nous prémunir contre une appréciation trop légère de la situation. Enfin il était appelé à combattre jour par jour, jusque dans le conseil même, des propositions ou des projets extrêmes auxquels des hommes comme sir Robert Peel et le duc de Wellington accordaient leur appui. Sa première communication me fut faite à ce sujet le 29 juillet 1844. Le différend ne fut terminé que le 5 septembre. Ce long intervalle fut consacré à faire laborieusement la part du vrai et du faux, de ce que la justice exigeait, de ce que l’honneur réclamait ou repoussait. Cette discussion se poursuivait au bruit du canon de Tanger et de Mogador, au moment où une démonstration navale de la France devant Tunis était jugée indispensable, où, en occupant, pour les besoins de la guerre, un point du territoire marocain, nous faisions précisément surgir le cas de rupture indiqué par les plus modérés en Angleterre. J’écrivais de Londres le 1er août : « Évidemment lord Aberdeen est en lutte violente sur cette difficulté comme sur l’ensemble de ses rapports avec vous. Et voyez quel thème fournissent à ceux qui se lassent de la politique de ménagemens les