Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/474

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
UNE
PRINCESSE DE SAVOIE
A LA COUR DE LOUIX XIV

I. Mémoires d’une Demoiselle d’honneur de madame la duchesse de Bourgogne. II. Souvenirs de madame de Caylus, nouvelle édition.

La fortune se plaît à mêler sur la scène du monde bien des êtres divers, humbles ou grands, puissans ou gracieux, qui se montrent, passent, disparaissent, et les plus heureux, ceux qui gardent dans l’histoire la plus sympathique figure, ne sont pas ceux qui vont jusqu’au bout de leur carrière. Ceux-là n’ont plus rien à demander à la vie, plus rien à donner d’eux-mêmes. Ils ont dit leur dernier mot, montrant tout ce qu’ils pouvaient, tout ce qu’ils étaient, ne laissant rien à deviner, dissipant trop souvent les charmes de leur jeunesse par les tristesses de leur déclin, et quelquefois on se prend à dire d’eux : « Ce n’était que cela ! » Ceux qui disparaissent avant le temps ont pour eux le mystère d’une destinée inachevée, qui n’a pas connu le désenchantement. Princes, poètes ou hommes d’état, ils représentent une force brusquement enlevée au monde, ou un charme prématurément évanoui, une espérance arrêtée dans son essor ; ils sont comme la poésie de l’histoire. Ce qui est arrivé de ceux qui ont vécu, nous le savons : c’est la réalité, souvent maussade, quelquefois navrante, rarement victorieuse. De ceux qui s’en sont allés avant l’âge, nous ne savons rien ; l’imagination seule leur