Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/495

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prévenir quelques-unes au moins de ces crises douloureuses. Toutes ces crises ne sont point naturelles, et ne proviennent pas de l’aveugle force des choses : il en est d’artificielles, qui sont amenées par le vice des institutions et la faute des hommes. La puissance de l’économie s’arrête devant l’influence que les causes naturelles exercent sur le prix des choses et la rémunération des services, devant l’action des saisons et devant les accidens politiques, qui peuvent paralyser le travail au sein des nations barbares qui fournissent à l’industrie des peuples civilisés de grands articles de consommation, ou les principales matières premières de la production. Les plus intelligens et les plus savans économistes placés à la tête des gouvernemens ne peuvent rien sur les accident météorologiques, qui mettent la perturbation dans l’équilibre des récoltes ; ils ne peuvent rien sur les troubles politiques, qui altéreront les conditions du travail et le mouvement de la production dans les pays plus ou moins barbares, plus ou moins avancés, qui sont de grands marchés de matières premières ou de denrées, tels que l’Inde ou la Chine, l’Amérique ou la Russie. Mais outre ces causes naturelles et générales qui viennent troubler à l’improviste les prix des choses, les rémunérations, et par conséquent les relations du capital et de la main-d’œuvre, causes qui échappent à la prévoyance ou à la direction de l’homme d’état, il est d’autres causes de crise que la prudence humaine peut prévenir, ou que l’ignorance, l’imprévoyance, l’inapplication des gouvernemens peut engendrer. De cette nature sont les actes politiques tels que des guerres qui ne sont pas nécessaires, ou des armemens excessifs qui absorbent et anéantissent improductivement une quantité trop considérable du capital disponible d’un pays ; telle est encore une impulsion exagérée donnée aux travaux publics. Un état, des administrations publiques, en s’abandonnant avec excès à la séduisante fantaisie et à la luxueuse prodigalité des travaux et des constructions, deviennent des industriels et des spéculateurs sur une colossale échelle : ils appliquent à la branche d’industrie et de spéculation à laquelle ils se livrent des ressources et des forces supérieures à celles que les producteurs apportent dans les autres branches d’industrie. Or les économistes connaissent, — et les hommes d’état de notre temps commettent ce que la loi appelle la faute lourde, s’ils ignorent ce que l’économie politique enseigne et démontre, — les économistes connaissent les conséquences inévitables de tout développement excessif donné à une branche particulière d’industrie. Ces conséquences sont le capital enlevé dans une proportion souvent trop grande à la masse disponible sur laquelle se prélèvent les salaires et les profits, pour être détruit en partie et pour être employé à des transformations trop lentement ou insuffisamment reproductrices, la cherté artificielle des prix produite par une application disproportionnée de capital à un objet au détriment des autres, le renchérissement des prix, accru encore arbitrairement par les folies de la spéculation, enfin une altération inévitable des relations du capital et du travail dans les autres branches de l’industrie. Nous le répétons, les phénomènes