Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/499

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russes contres la Turquie. Les propriétaires russes à demi ruinés par l’affranchissement des paysans ne permettront pas à leur gouvernement de se brouiller avec le meilleur customer de la Russie. John Bull rassuré ne doit pour l’instant à la Pologne que de platoniques vœux !

Peut-être est-il moins permis aujourd’hui de désespérer que la querelle de l’Autriche et de la Hongrie se puisse arranger à l’amiable. En consentant à changer la suscription de son adresse à l’empereur, la diète hongroise a fait une première concession de forme qui a prévenu un éclat immédiat. Ce qui nous confirme dans l’espoir d’une transaction amiable, ce sont les embarras semblables, sinon égaux, qui paralysent dans l’action les deux adversaires. L’Autriche ne saurait songer à courber la Hongrie par la force : elle exposerait tout par une résolution violente, et la Hongrie encore une fois conquise et comprimée ne lui apporterait aucune ressource. Quant à la Hongrie, elle n’a point, comme en 1848, une armée organisée à sa disposition : sa résistance matérielle n’aboutirait donc qu’à des émeutes qui compromettraient sa cause, et ne lui fourniraient pas de chances de succès. Entre l’Autriche et la Hongrie, si des deux côtés on se place au point de vue de la raison, le conflit semble devoir demeurer renfermé sur le terrain de la discussion du droit et des interprétations de la légalité. Sans doute la prolongation sans mesure d’un tel état de choses est irritante, mais l’esprit allemand ne se déplaît point aux subtilités légales, et s’il y a chez le Magyar un poète, un orateur, un soldat, le légiste entre à coup sûr pour une forte part dans la composition de ce type national si original et si brillant. Les querelles de légistes peuvent durer longtemps. Les légistes ne disent pas du premier coup leur dernier mot. L’adresse de M. Deak est bien longue ; les plaintes et les remontrances sur le passé y occupent une bien large place. L’empereur d’Autriche, en s’accusant cordialement pour les fautes passées de son gouvernement envers la Hongrie, donnerait peut-être aux sentimens hongrois une satisfaction dont il retrouverait la compensation dans le règlement des choses présentes. Des deux côtés, on garde donc vraisemblablement des concessions en réserve. En tout cas, l’empereur François-Joseph doit se féliciter aujourd’hui d’avoir eu recours aux institutions parlementaires. Il a derrière lui des assemblées qui le préservent du péril de l’isolement, qui l’absolvent en partie de la responsabilité des résolutions que lui commanderont les circonstances. Les Hongrois peuvent s’apercevoir, eux aussi, de l’influence qu’ils pourraient exercer sur ces assemblées le jour où ils consentiraient à y entrer ; ils grandiraient leur rôle et leur action en Europe de la puissance du grand empire auquel ils se seraient librement associés.

Nous continuons à ne comprendre que médiocrement les éternelles disputes qui divisent la confédération germanique, et tant d’importance attachée par les polémiques allemandes à tant de petitesses. L’incorporation du contingent cobourgeois dans l’armée prussienne est toujours la grosse affaire.