Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/519

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étant accouchée le 13 janvier 399, au plus fort de ces conciliabules et aussi de son délaissement, d’une fille qui fut nommée Pulchérie, la malignité publique donna pour père à l’enfant un officier du palais bien venu d’elle, disait-on, le comte Jean, homme encore jeune, distingué d’esprit, et qui parvint, lorsqu’elle fut toute puissante, à l’intendance des largesses sacrées.

Gaïnas ne pouvait être oublié en pareille circonstance ; mais l’aveugle exécuteur du complot de l’hippodrome, le bourreau de Rufin, dupé par Eutrope, avait appris à ne plus prêter son bras sans réserve, mais à garantir avant tout son intérêt dans le succès d’autrui. Il ne voyait pas d’ailleurs pour qui, dans l’empire, il pouvait travailler, sinon pour lui-même, tant il était infatué de sa propre importance. Borné, dans son autorité militaire, au commandement des corps auxiliaires de sa nation, il leur faisait partager les rancunes de sa disgrâce, comme si elle eût été une injure pour eux, et se rattachant par des relations habiles, la plupart du temps secrètes, les autres Goths disséminés en Asie, soit comme garnisons dans les villes, soit comme colonies agricoles dans les campagnes, il les habituait à voir en lui leur chef naturel. Ainsi déjà se réalisait dans l’ombre la sinistre prédiction de Synésius, quand l’écho de ses sages paroles retentissait peut-être encore sous les voûtes du palais impérial.

L’année 398 amena au parti des mécontens, sinon un complice (ce mot serait un outrage pour l’homme dont il s’agit), du moins un appui considérable en la personne du nouvel évêque de Constantinople, Jean Chrysostome, promu à ce siège éminent en 397, après le décès de Nectaire. Chose singulière, ce fut Eutrope lui-même qui, malgré l’opposition d’un grand nombre d’évêques orientaux, en dépit de cabales puissantes et par un véritable esprit de religion, appela dans la métropole de l’empire celui qui devait être, avant l’année écoulée, son adversaire le plus déclaré. La fortune ne voulut pas tenir compte d’une bonne action à cet homme, qui en pratiquait d’ailleurs si peu.

Le personnage qui fait ici son entrée sur la scène de nos récits y doit jouer un rôle tellement important, et sa place est si grande dans l’histoire du IVe siècle, que nous devons, comme introduction aux faits qui vont suivre, exposer brièvement quels étaient son caractère, sa famille, et de quelle condition il arriva subitement à un rang si élevé. Jean avait alors environ cinquante ans, né qu’il était vers 347, dans la ville d’Antioche, d’une famille aisée, dont le chef appartenait comme officier à la préfecture du prétoire d’Orient. Son père étant mort lorsqu’il était encore enfant, sa mère prit soin de son éducation, l’éleva, et, bien qu’ils fussent chrétiens tous deux, elle le remit aux mains du sophiste païen Libanius, qui tenait à An-