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confluent même de la Kasanka et du Volga, est maintenant à 3 kilomètres de ce dernier fleuve : elle a pour ainsi dire voyagé vers l’est.

Les affluens du Volga et toutes les rivières de la Russie presque sans exception présentent le même phénomène d’un empiétement continu des eaux sur la rive droite du lit qui les contient. La véritable raison de ce phénomène est la rotation de la terre. Puisque la vitesse de chaque point du globe autour de l’axe central, vitesse complètement nulle au pôle, augmente sans cesse à mesure qu’on se rapproche des régions équatoriales, où elle dépasse 1,600 kilomètres à l’heure, tout mobile qui se dirige du pôle vers l’équateur doit nécessairement rester en arrière du mouvement terrestre de plus en plus rapide qui l’emporte, et par conséquent dévier vers l’occident, qui est à droite dans l’hémisphère du nord, à gauche dans l’hémisphère du sud. De même tout corps qui remonte de l’équateur vers l’un des pôles devance, par suite de sa vitesse acquise, le mouvement angulaire du globe et dévie fatalement à l’est, c’est-à-dire à droite encore dans l’hémisphère septentrional, à gauche dans l’hémisphère opposé. C’est à cette loi qu’obéissent les vents alizés et tous les courans atmosphériques, le gulfstream et les autres fleuves de l’Océan, les boulets eux-mêmes sortis de la gueule du canon, et parfois, quand elles déraillent, les locomotives de nos voies ferrées. Cette loi règle aussi le cours de toutes les rivières, et quand la configuration du sol s’y prête, quand les oscillations de la croûte terrestre ou d’autres forces géologiques ne viennent pas la contrarier, elle fait régulièrement dévier les eaux courantes à droite dans l’hémisphère du nord, à gauche dans l’hémisphère du sud. Quant aux fleuves qui coulent parallèlement à l’équateur, aucune force ne les oblige à ronger l’une ou l’autre de leurs rives.

M. de Baer cite un grand nombre de fleuves qui modifient leur cours dans le sens indiqué par la loi de déplacement, et l’on pourrait ajouter beaucoup d’autres noms à sa liste. Dans l’hémisphère méridional, il mentionne le système de la Plata avec tous ses affluens qui rongent incessamment leurs rives gauches ; dans l’hémisphère du nord, il montre le Gange abandonnant la ville de Gour au milieu des jungles, l’Indus avançant son delta du côté de l’ouest, la Gironde et l’Elbe longeant la base des escarpemens de leurs rives droites, la Vistule approfondissant son embouchure orientale aux dépens de celle de gauche. Il cite aussi les grands fleuves de la Sibérie, l’Ob, l’Irtych, le Iénisséi, qui s’avancent continuellement vers l’est en sapant les falaises sur lesquelles sont bâties les principales villes de la contrée. Parmi les fleuves que M. de Baer a signalés dans les diverses parties du monde comme se déplaçant d’une manière normale, il a eu tort cependant de placer le Mississipi. Ce