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différens se rattachent également à l’influence de M. Cousin; il est probable que ni l’un ni l’autre n’aurait vu le jour, au moins dans la forme qu’ils ont revêtue, si les Œuvres inédites d’Abélard n’avaient vu le jour en 1836.

La publication du Sic et Non éclairait donc d’une lumière inattendue la philosophie du XIIe siècle ; on ne peut pas dire cependant que la doctrine d’Abélard fût dès lors complètement dévoilée. Outre le Sic et Non, le volume des Œuvres inédites publié en 1836 contenait sans doute des pages importantes, plusieurs traités de logique, des commentaires sur Porphyre, en un mot toute une série de fragmens qui formaient dans leur ensemble un exposé assez complet de la dialectique du maître : où étaient sa théologie, sa psychologie et sa morale? Ces autres écrits si curieux, qui, avec le Sic et Non et les traités de dialectique, formaient les œuvres complètes de l’adversaire de saint Bernard, étaient enfouis alors dans une édition incorrecte et confuse donnée au commencement du XVIIe siècle par le conseiller d’état Adrien d’Amboise. Si l’on en croit une note communiquée à Bayle par un anonyme, et insérée dans le Dictionnaire du célèbre critique (article Amboise), cette édition de 1616 serait l’œuvre de Duchesne, qui en aurait fait don au conseiller d’état. Il paraît certain que toute une partie de cette édition porte le nom de Duchesne, tandis que la première page des autres exemplaires en attribue la publication au conseiller d’Amboise. C’est ainsi que chacun de ces deux personnages, l’érudit et le magistrat, est indiqué tour à tour comme l’éditeur des œuvres d’Abélard par les écrivains qui ont eu à s’occuper de ces matières. Quoi qu’il en soit, l’édition de 1616, intéressante à bien des titres, puisqu’elle contient entre autres documens les mémoires d’Abélard sur sa vie et ses malheurs, n’était en définitive qu’un assemblage informe. Cent ans après, en 1717, les deux bénédictins Martène et Durand publiaient dans leur Thésaurus novus anccdotorum deux autres ouvrages d’Abélard qui n’avaient pas encore vu le jour, la Theologia christiana et l’Hexameron. Quelques années plus tard, un bénédictin allemand, continuateur de Martène et Durand, dom Bernard Pez, faisant imprimer à Augsbourg (1721-1729), sous le titre de Thesaurus anecdotorum novissimus, un vaste recueil de documens relatifs à l’histoire de l’église, y insérait au tome troisième un traité psychologique d’Abélard intitulé : Ethica, seu liber dictus: scito te ipsum. Enfin en 1831 M. F.-H. Rheinwald éditait à Berlin le curieux dialogue où le théologien du XIIe siècle, en son audacieuse candeur, n’avait pas craint de mettre aux prises un philosophe, un Juif et un chrétien, Dialogus inter philosophum, Judœum et christianum. Il fallait donc s’adresser à la fois aux savans de France et d’Allemagne pour con-