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sommet, quelle qu’en soit l’élévation. Cette objection a été levée par M. Jamin, à qui l’on doit sur ce sujet de très nombreuses expériences.

M. Jamin prend une masse poreuse quelconque, par exemple un bloc de craie, et, après y avoir creusé un petit trou jusqu’au centre, il y place un manomètre, c’est-à-dire un appareil capable de mesurer les pressions qui viendront à se développer dans l’intérieur du bloc. Cela fait, il plonge l’appareil dans l’eau. À l’instant même, ce liquide s’insinue dans les pores, comme on voit que cela se fait dans un morceau de sucre qu’on imbibe, et chasse devant lui l’air qui remplissait les cavités. Cet air se réfugie au centre, où il se comprime peu à peu, et le manomètre en mesure la pression, qui s’élève peu à peu jusqu’à 3 ou 4 atmosphères, et dans certains cas spéciaux jusqu’à 6. Quand l’état final est atteint, il est évident que l’air tend à s’échapper pendant que l’eau tend à entrer, et que la pression de l’air fait équilibre à la force de pénétration et en donne la mesure. Celle-ci est donc égale à 3, 4 et même à 6 atmosphères. Or, une atmosphère étant égale à la pression d’une colonne d’eau de 10 mètres, on peut dire que la force d’imbibition est égale à 30, 40 ou 60 mètres d’eau, et par suite que ce liquide pourrait monter jusqu’à ces hauteurs, si la masse poreuse était assez prolongée. La force d’imbibition suffit donc pour expliquer comment l’eau peut s’élever jusqu’au sommet des plus grands arbres.

Mais pour savoir comment les liquides circulent, il faut faire intervenir une autre expérience, exécutée autrefois par M. Biot, reprise ensuite par M. Magnus et enfin par M. Jamin. Que l’on mastique à l’un des bouts d’un tube de verre une plaque poreuse destinée à le fermer, qu’on remplisse ce vase avec de l’eau, et que, bouchant ensuite avec le doigt l’extrémité ouverte, on la plonge, en retournant l’appareil, dans un bain de mercure : alors la plaque poreuse qui se trouve au sommet s’imbibe, puis l’eau s’évapore dans l’air à la surface supérieure ; mais elle est remplacée aussitôt par celle qui se trouve dans le tube. Un vide se fait dans l’intérieur, peu à peu le mercure monte jusqu’à la même hauteur que dans un baromètre, et bien qu’alors le vide soit devenu complet, l’air ne rentre pas à travers le corps poreux.

Il suffit de connaître ces deux expériences fondamentales pour se rendre maintenant un compte exact et presque complet de l’ascension de la séve. En effet, d’après la première, les racines doivent enlever l’eau du sol et la faire monter jusqu’au sommet des feuilles, et, d’après la seconde, l’évaporation de cette eau dans l’atmosphère fera dans le végétal un vide qui appellera, par un effet de succion, celle qui remplit les canaux de la tige. Pour justifier cette explication, M. Jamin a construit un appareil sur le modèle général des