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des rivalités et des divisions qui avaient affaibli son autorité dans son œuvre de répression.

Le premier soin de la commission devait être d’évaluer les pertes des chrétiens et l’indemnité que devaient payer les musulmans. Le consul de France à Damas, M. Outrey, estimait les pertes des chrétiens à 150 millions de piastres turques, et la commission internationale, à qui ce chiffre d’un peu plus de 30 millions de francs avait été communiqué, « trouvait après examen, dit lord Dufferin[1], que ce chiffre était vraiment modéré. Fuad-Pacha l’adoptait lui-même comme base de l’indemnité. » Il y avait bien quelques dissentimens sur la manière la plus convenable de lever cette somme. Lord Dufferin avait proposé de lever 64 millions de piastres sur Damas et les localités voisines qui avaient pris part aux massacres et aux pillages, et cela pendant sept ou neuf mois. Les 86 millions restans devaient être fournis par la Porte-Ottomane. « Tout était convenu, dit lord Dufferin, et dès le 26 novembre 1860 Fuad-Pacha avait déclaré qu’il allait écrire à la Porte-Ottomane pour lui demander de pourvoir à la portion de l’indemnité restant à sa charge. Il avait ajouté, il est vrai[2], que « quant au chiffre total de l’impôt et à la fixation définitive du délai dans lequel il serait perçu, il hésitait à prendre une détermination, » et il s’était « borné à donner à la commission l’assurance de son bon vouloir. » Il y avait bien là un peu d’incertitude et d’obscurité. Cependant, comme Fuad-Pacha « avait montré à la commission un projet qui offrait l’avantage d’une répartition juste et équitable[3], » la commission avait lieu de croire, comme disait lord Dufferin, que tout était convenu, quand dans la quinzième séance, le 22 décembre 1860, Fuad-Pacha annonça « qu’il venait de recevoir une dépêche officielle par laquelle il était informé que son gouvernement se réservait de décider la manière dont les indemnités seraient fixées et payées aux chrétiens, ainsi que la fixation des impôts à prélever pour les indemnités[4] . »

Ainsi la commission internationale se trouvait dépouillée du droit qui lui avait été attribué « d’apprécier l’étendue des désastres qui avaient frappé les populations chrétiennes et de combiner les moyens propres à soulager et à indemniser les victimes. » Ainsi la Porte-Ottomane dessaisissait arbitrairement la commission d’une de ses prérogatives et substituait son pouvoir au sien. Les membres de la commission protestèrent unanimement contre cette décision, qui transportait de Beyrouth à Constantinople le règlement de la question qu’il fallait le plus traiter sur les lieux. Qu’a produit cette pro-

  1. Lettre du 27 février 1861, p. 479, n° 373.
  2. Treizième séance de la commission internationale, p. 292, n° 225.
  3. Ibid., p. 294.
  4. Documens anglais, p. 313, n° 229.