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le règne de Pie IX, de ce pontife doux et malheureux sur lequel vient se résoudre la crise de l’antagonisme de la papauté temporelle et de l’Italie ; il nous serait pénible de récriminer contre les blessures qui ont été faites au libéralisme français par les complaisances du gouvernement romain et du parti catholique pour les réactions de 1852. La situation même de Pie IX en face de la nation italienne, celle qui résulte de la fatale position que lui a faite sa souveraineté temporelle domine tout. La prédilection si marquée depuis 1849 de Pie IX pour le roi Ferdinand de Naples, tandis que depuis la même époque le roi Victor-Emmanuel et son gouvernement étaient traités avec tant de colère par la cour de Rome ; toutes les faveurs, tous les témoignages d’affection prodigués à un prince violateur de ses sermens et tyran de ses sujets, que son règne corrupteur a laissés dans un état de démoralisation qui excite le dégoût du monde ; toutes les remontrances amères, toutes les condamnations injurieuses réservées au roi patriote qui a épousé les sentimens de son pays et qui deux fois a tiré l’épée pour l’Italie : sont-ce les exemples de discernement moral et d’équité qui devaient être donnés du haut de la chaire de saint Pierre ? Deux fois en onze années l’Italie a rencontré son ennemi, l’étranger, l’Autriche, sur les bords du Mincio, et deux fois à ce moment critique de sa destinée une parole de découragement ou d’anathème a été lancée du Vatican sur des soldats qui allaient se battre pour une cause nationale. Était-ce la voix de la charité qui se faisait entendre ? Non, c’était celle d’une politique funeste. Jamais devant un autre peuple placé dans des circonstances semblables, soutenant une cause pareille et tentant les mêmes efforts, le cœur de Pie IX n’eût laissé voir des sentimens tels que ceux dont il n’a pas retenu l’expression douloureuse contre l’Italie nationale et libérale. Et quel est le peuple qui eût éprouvé un pareil traitement de la part du chef de sa religion sans en être, comme l’Italie, ébranlé dans sa foi ? Hélas ! nous ne cesserons de le répéter, ce n’est point Pie IX qu’il faut accuser, c’est la fatalité du pouvoir temporel : c’est l’aveugle pouvoir temporel qui, aux abois, ne recule pas même devant une extrémité aussi terrible que la ruine de la foi catholique en Italie !

Nous n’appuierons pas sur cette plaie vive ; nous ne voulons point passionner la controverse élevée autour du pouvoir temporel de la papauté en la compliquant des griefs particuliers et des querelles secondaires qui s’y rapportent : notre objet est au contraire de ramener des esprits ulcérés à la calme appréciation des inconvéniens que présente, au point de vue des intérêts religieux, le mélange des deux autorités dans le pontificat apostolique. Nous serions aussi maladroit qu’injuste si nous nous abandonnions nous-même à des