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REVUE DES DEUX MONDES.
Louise.

C’est faux ! je t’aime !

Coqueret.

Oui, tu m’aimes comme ton petit chien, comme tes poules ! Tu as bien pleuré quand la pigeonne blanche a été mangée par la belette !

Louise.

Tu dis des folies, des sottises ! Je t’aime comme tu le mérites ; mais tu vois bien que monsieur…

Coqueret.

Quoi ! monsieur, monsieur, toujours monsieur ? Qu’est-ce que ça lui fait, tout ça, à monsieur ? Est-ce que ça le regarde ? est-ce qu’il me prend pour un mauvais sujet ? est-ce qu’il ne me connaît pas ? est-ce qu’il ne sait pas que je l’aime autant que tu peux l’aimer, que je me flanquerais dans le feu pour lui connue pour toi, et que, si j’étais à sa place et lui à la mienne, je le marierais avec toi, comme je souhaite qu’il nous marie ?

Louise.

Ne parle pas si haut, Jean ; monsieur est peut-être par là dans sa chambre ! Tout ce que tu dis là, c’est justement ce qu’il ne faut pas lui dire ! C’est ça qui le fâche ! Il ne veut pas,… il ne veut pas de gens mariés à son service, tu sais bien ; il y a des maîtres qui n’aiment pas ça !

Coqueret.

Oui, oui, des mauvais maîtres qui ne pensent qu’à eux ; mais ça n’est pas des maîtres comme M. Durand, qui veut qu’on soit heureux chez lui. Vois-tu, Louise, s’il est fâché, c’est ta faute ! Si tu avais dit comme moi ;… mais tu ne pouvais pas dire comme moi, puisque tu ne veux point de moi.

Louise.

Ça n’est pas ça, Jean ! Voyons ! écoute-moi… (L’attirant vers la fenêtre et lui parlant à demi-voix.) Je t’épouserais bien s’il le voulait, et je…

Coqueret, avec joie.

Vrai !… bien vrai, Louise ?

Louise.

Bien vrai ! mais ça n’est pas si aisé que tu crois ! il y a des raisons que tu ne devines pas, que je n’ose presque pas deviner moi-même, et que j’ose encore moins te dire. Est-ce que tu ne peux pas faire un effort pour les deviner ! Voyons ! si monsieur, en me voyant devenir grande, avait pensé malgré lui…

Coqueret, haut sans intention.

Louise ! ça n’est pas bien, ce que tu veux me donner à entendre. Comment, tu crois,… tu t’imagines !… Non, ça n’est pas bien : c’est