Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/861

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la prise de Paris, la déportation de Napoléon dans une île, ne tourneraient qu’à la gloire de Napoléon, à l’opprobre des rois et des puissances étrangères ! Avait-on oublié déjà qu’il pouvait être vaincu ? Sans plus délibérer, par un accord unanime, tous se réunirent dans le même parti.

Les propositions de paix de Napoléon ne seront pas même écoutées, ses courriers seront arrêtés aux frontières : pour les peuples. Napoléon c’est la tyrannie ; pour les rois, l’usurpation ; pour tous, c’est la guerre. Le jour même où la nouvelle de son débarquement est connu, l’ordre est donné à la garde russe de reprendre le chemin de Paris. Le gros de l’armée est encore à trente marches, mais celle de l’Autriche se rassemble. Les Anglais et les Prussiens se cantonnent en Belgique ; ce sont les plus impatiens. Huit cent mille alliés entrent en ligne. Les deux généraux les plus entreprenans, ceux qui sont le plus avant dans la confiance des monarques, le duc de Wellington et le maréchal Blucher, se concertent ; ils promettent d’entrer en France au plus tard dans les premiers jours de juillet.


VII. — PLAN DE CAMPAGNE. — ÉTAT MILITAIRE DE LA FRANCE.


Napoléon garda longtemps pour lui seul le secret du péril et de tant de haines amassées. Autour de lui, on croyait encore à l’amitié renaissante d’Alexandre, à la complaisance de l’empereur d’Autriche, au retour de l’opinion des whigs en Angleterre, et même au bon vouloir des peuples, quand il savait déjà qu’il ne pouvait regagner tout cela que par une victoire foudroyante.

Pour briser le cercle qui s’était reformé autour de lui, il se présentait deux partis à suivre, et Napoléon les avait mûrement pesés l’un et l’autre dans le temps même où il parlait à tout le monde des bienfaits de la paix. Il pouvait gagner du temps, attendre sous Paris l’agression des puissances étrangères ; on opposerait ainsi à l’ennemi une armée régulière de 300,000 hommes ; la masse entière du peuple serait appelée aux armes. On organiserait une guerre nationale sur toute l’étendue du territoire ; à mesure que l’ennemi pénétrerait sur le sol sacré, il serait assailli, usé en détail par la résistance de chaque bourgade, de chaque département, de chaque province. Quand il arriverait au cœur du pays, il trouverait en ligne une armée bien formée, commandée par Napoléon, et l’on n’aurait sans doute pas de peine à détruire des masses nombreuses, il est vrai, mais épuisées par. l’effort de toute la France.

Tels étaient les avantages qu’offrait ce premier parti. En voici les inconvéniens : ce système avait réussi aux Espagnols, aux Russes ; En serait-il de même des Français ? Avaient-ils le génie propre à cette guerre de chicane ? Il faudrait donc voir sans sourciller l’invasion