d’une moitié des provinces, l’Artois, la Picardie, la Bourgogne, l’Alsace, la Lorraine, le Dauphiné. Et si, au lieu de porter à l’extrême l’enthousiasme national, l’occupation d’une si grande partie du territoire allait au contraire répandre le découragement ? Ces inconvéniens tenaient à la nature du génie français. Il y en avait d’autres qui tenaient à la situation et à la nature d’esprit de Napoléon. Était-il assez sûr du dévouement de la France pour l’exposer à se voir déchirée sans s’émouvoir ? Tant qu’il ferait la guerre au dehors, il pouvait jusqu’à un certain point compter sur l’esprit public ; mais, s’il laissait entamer le territoire, comprendrait-on qu’il le fît volontairement et par système ? Ne le croirait-on pas vaincu d’avance, et n’était-ce pas l’être en effet que de laisser croire qu’il le fût un moment ? Une dernière raison emportait toutes les autres. S’il déchaînait les masses dans une guerre nationale, était-il bien assuré de les retenir, même victorieuses, sous sa dépendance ? N’était-ce pas mettre le sort de la France dans les mains de la France ? Et dès lors il n’était plus le seul libérateur, il disparaissait dans la victoire populaire, il détruisait ainsi et son système et ce pouvoir si difficilement reconquis. Cette raison, jointe à celles qui précèdent, ne laisse guère de doute sur l’opinion à laquelle s’arrêtera Napoléon dans le système de défense.
Il y en avait un second qui présentait des avantages différens : ne pas attendre l’ennemi, le devancer, le surprendre dispersé dans ses cantonnemens, le déconcerter par une attaque furieuse, rompre dès lors toutes ses combinaisons. On engagerait tout, il est vrai, sur une seule journée, sur une grande bataille, après laquelle la question serait décidée, et il faudrait agir avec les seules forces que l’on avait sous la main ; mais cette bataille, n’avait-on pas quatre-vingt-dix chances sur cent de la gagner ? Elle rallierait les partis, elle électriserait la France ; elle ferait sortir de terre des légions innombrables ; elle briserait la coalition, elle terminerait la sanglante mêlée où l’empire avait failli disparaître ! Et quoi d’ailleurs de plus conforme au génie impétueux de la France ! C’est ainsi, et non par une levée en masse suivie d’une guerre de détails, que la coalition avait été brisée à Marengo, à Austerlitz, à Wagram. Il n’y avait donc pas à hésiter davantage sur le choix du système de défense. Napoléon s’arrêtera à celui qu’il a pratiqué toute sa vie ; il lui doit la gloire, le trône, et la France impériale son salut.
Cette résolution suppose, il est vrai, qu’on a mis dans les préparatifs une énergie égale au danger, et cela se peut-il quand, pendant le premier mois, l’empereur cache à la France que la guerre est imminente ? Comment la nation fera-t-elle des efforts surhumains pour se préparer à la guerre quand le gouvernement assure en mars, en avril et même en mai, que la paix sera consolidée ? En