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plication n’en était rigoureusement contenue, ils finiraient par nous dévorer tous, vieux et jeunes, malades et bien portans. Quiconque a, pendant les fortes chaleurs de l’été, traversé certaines forêts humides sait quel fléau sont les taons et les cousins. Tournoyant par centaines autour des hommes et des animaux, ils les fatiguent de leur bourdonnement monotone, cherchant le point à attaquer. Aussitôt qu’ils l’ont trouvé, ils se mettent à l’œuvre, percent l’épiderme avec leur dard en pertuis et introduisent dans le sang cette salive acre qui cause de si cuisantes démangeaisons. Ils ne quittent pas la place qu’ils ne soient repus : chassez-les, ils reviennent; tuez-les, ils sont remplacés par d’autres. Contre eux, pas d’autre remède que la fuite. Les tics ne valent pas mieux : ce sont d’autres parasites de la grosseur d’une tête d’épingle, qui vivent ordinairement dans les herbes et s’attachent aux jambes en se plongeant dans la chair jusqu’à mi-corps. On ne peut les enlever qu’en les enduisant d’huile, car ils laisseraient leur tête dans la plaie plutôt que de lâcher prise.

Ces insectes cependant sont plus désagréables que nuisibles, et ne présentent d’ailleurs au point de vue forestier qu’un intérêt secondaire. Il n’en est pas de même de ceux qui, exclusivement herbivores, causent parfois aux forêts un mal irréparable. Au premier rang figurent les chenilles, qui, dévorant les feuilles, privent les arbres de leurs organes respiratoires et en entravent la végétation, quand elles n’en occasionnent pas la mort. Destinées à devenir plus tard des papillons inoffensifs[1], aux brillantes couleurs, au vol timide et indécis, à la trompe en spirale, faite pour pomper les sucs des fleurs, elles sont, pendant la première période de leur existence, d’une voracité effrayante, qu’explique du reste une croissance très rapide, et dévastent des cantons entiers comme si le feu y avait passé. Si les chenilles mangent les feuilles, il est d’autres insectes qui s’en prennent à la tige, qui creusent le bois, le minent, le perforent en tout sens. Quelques-uns s’attaquent aux racines, d’autres aux bourgeons; tous font des blessures plus ou moins graves, dont la mort de l’arbre est la conséquence ordinaire. Ils occasionnent parfois des phénomènes de végétation assez curieux : tantôt ils font dévier les branches, tantôt provoquent des excroissances cornées

  1. On sait que, comme tous les insectes, les lépidoptères subissent plusieurs transformations avant d’arriver à l’état parfait. L’œuf produit la larve ou chenille, qui, après un temps plus ou moins long, passe à l’état de nymphe ou chrysalide. C’est de celle-ci que sort l’insecte parfait qu’on appelle papillon, et qui périt le plus souvent aussitôt après avoir pondu de nouveaux œufs. Ce fut Swammerdam qui le premier, vers la fin du XVIIe siècle, constata ces diverses phases de la vie de l’insecte, et ce ne fut pas sans peine qu’il put faire accepter sa découverte.