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ne faisait prévoir. Il n’est pas nécessaire, pour expliquer ces phénomènes, de les attribuer, comme on l’a fait parfois, à des causes surnaturelles ; il suffit de se rappeler la puissance des progressions géométriques. Lorsqu’on songe que, si les circonstances sont favorables, un seul couple de lasiocampes peut, en trois années, produire deux millions d’individus, il est inutile de parler de générations spontanées ou de pluies de chenilles : qu’il se rencontre deux ou trois couples par hectare, et la forêt est infestée. A l’époque de leurs diverses transformations, les lépidoptères sont très sensibles aux influences atmosphériques. Souvent alors un simple orage, un abaissement de quelques degrés dans la température en fait périr des quantités prodigieuses, à part ces courts instans, ils sont très robustes, et l’on a vu des chenilles supporter des froids de 50 degrés et se congeler complètement sans perdre leur vitalité. C’est dans les années aux hivers secs et froids et aux étés chauds que les multiplications excessives sont le plus à craindre.

En présence des dégâts causés par les insectes, les moyens employés pour en atténuer les effets et en empêcher l’extension sont, les uns préventifs, les autres répressifs. Les premiers sont les moins coûteux et souvent les plus efficaces. Ainsi le seul remède réel contre les insectes xylophages, c’est d’entretenir les forêts en bon état, d’en extraire les arbres morts ou dépérissans, d’écorcer ceux qui sont abattus et d’enlever avant le printemps, c’est-à-dire avant l’éclosion des œufs, tous les bois façonnés. Ces divers foyers d’infection écartés, la forêt n’a plus rien à craindre, puisque le mouvement de la sève empêche la ponte dans les arbres sains. La décortication partielle des ormes attaqués par les scolytes est également recommandée; mais ce procédé, trop dispendieux pour les forêts, ne peut convenir qu’aux arbres des parcs et des promenades. C’est l’opération qu’ont subie par exemple les ormes des Champs-Elysées et qui a longtemps été une énigme pour la curiosité parisienne. Si elle n’a pas complètement réussi, c’est que les causes de dépérissement ne se bornent pas pour ces arbres aux galeries du scolyte, mais qu’ils ont encore à souffrir de la poussière, des émanations du gaz, et surtout de la présence des décombres qu’on entasse à leur pied lorsqu’on nivelle le sol sur lequel ils se trouvent.

Un excellent moyen d’atténuer les dommages causés par les chenilles est de mélanger les essences feuillues aux essences résineuses. Les espèces qui attaquent les premières épargnent les secondes, et en cas d’invasion les unes ou les autres échappent au fléau. Trop souvent cependant ces moyens préventifs sont insuffisans, et, quelque onéreuse qu’elle soit, il faut recourir à une destruction directe. C’est en Allemagne surtout, où les forêts résineuses sont en majorité, où