Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/925

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dont la substance sert de nourriture aux jeunes larves après leur éclosion. L’animal ainsi piqué ne périt pas immédiatement, il vit même assez longtemps pour se transformer en chrysalide; mais lorsque vient le moment de la transition à l’état parfait, au lieu d’un papillon, ce sont de jeunes ichneumons qui sortent de l’enveloppe. Le nombre de ceux-ci augmente donc plus rapidement que celui des chenilles, en sorte qu’ils finissent toujours par triompher d’une invasion, quelque menaçante qu’elle soit; mais ce n’est jamais qu’après plusieurs années qu’ils y parviennent, et pendant ce temps le mal causé est peut-être devenu irréparable. Dans sa lutte contre les insectes nuisibles, l’homme trouve encore de puissans auxiliaires dans des animaux dont au premier abord il semble qu’il ne puisse attendre aucun service. Les chauves-souris, les hérissons, les lézards, les crapauds, les couleuvres, les vipères même en détruisent d’énormes quantités, et si la physionomie de ces destructeurs d’insectes prévient peu en leur faveur, du moins ne faudrait-il pas étendre à tous une proscription que méritent seules les espèces dangereuses. Enfin de tous les ennemis des insectes le plus acharné, le plus impitoyable, c’est l’oiseau, qui en fait sa nourriture presque exclusive.


II.

« L’homme, dit M. Michelet, n’eût pas vécu sans l’oiseau, qui seul a pu le sauver de l’insecte et du reptile, mais l’oiseau eût vécu sans l’homme. L’homme de plus, l’homme de moins, l’aigle régnerait également sur son trône des Alpes. L’hirondelle n’en ferait pas moins sa migration annuelle. La frégate inobservée planerait du même vol sur l’Océan solitaire. Sans attendre d’auditeur humain, le rossignol dans la forêt, avec plus de sécurité, chanterait son hymne sublime. Pour qui? Pour celle qu’il aime, pour sa couvée, pour la forêt, pour lui-même enfin, qui est son plus délicat auditeur et le plus amoureux du chant. »

Rien de morne comme un paysage sans oiseaux. La forêt de Fontainebleau, si variée dans ses aspects, si pittoresque avec ses amas de roches entassées les unes sur les autres, si majestueuse dans les parties où se répand l’ombre épaisse d’arbres trois fois séculaires, est cependant d’une tristesse à donner le spleen ; c’est parce qu’elle ne possède aucun oiseau, parce qu’aucun chant ne vient en interrompre le silence. Privée d’eau, car le sable altéré y boit avec avidité la pluie qui tombe, ne renfermant ni source ni ruisseau, elle est mortelle pour l’oiseau, qui s’en éloigne comme d’une contrée maudite; c’est tout au plus si de temps à autre on aperçoit quelque