Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/958

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et que si elle eût exploité les mines de la Colombie, c’eût été au profit des marchands et des armateurs de San-Francisco. Rendue à la solitude, peuplée seulement des gens sérieux qui ne prétendaient réussir qu’à l’aide d’un travail persévérant, la colonie établit dans ses mines l’ordre et la régularité par des prescriptions datées de septembre 1859.

Les mines sèches, dry diggins, furent partagées en lots appelés bench diggins d’une superficie de cent pieds carrés, ou formant des bandes de vingt-cinq pieds, le long des rochers, sur les bords des rivières. Chaque mineur dut recevoir un et dans certains cas deux de ces lots, à charge d’y entretenir le chemin public et les conduites d’eau suivant la direction indiquée par les commissaires des mines. L’eau est aux mines une des grandes causes de querelles et de réclamations; elle est indispensable au travail, et les mineurs sont sans cesse disposés à reprocher à leurs voisins qu’ils l’absorbent et l’épuisent. C’était donc une mesure d’ordre importante que d’en assurer la distribution. En arrivant aux mines, chaque travailleur est tenu de prendre une licence. On s’accorde à reconnaître que les mineurs dans la Colombie anglaise valent mieux que ceux des autres régions aurifères. Ils sont en général sobres et intelligens; il n’y a point parmi eux d’exemple des rixes terribles qui ont quelquefois ensanglanté les placers du Sacramento et ceux de l’Australie. Un assez grand nombre de vagabonds et de vauriens s’étaient jetés d’abord à leur suite sur le Frazer; mais ils ont été rebutés par les fatigues et écartés par la sévérité des autorités anglaises. L’ordre et une certaine régularité ont été ainsi établis; cependant l’existence du mineur est pénible à cause des vastes espaces déserts qu’il doit franchir, des provisions et des instrumens qu’il lui faut porter au loin. Les profits ne sont pas considérables; en voici la mesure moyenne : en 1858, l’extraction de l’or des diverses mines de la Colombie anglaise a produit 1,494,211 livres sterling, en 1859 près de 2 millions, ce qui, d’après le nombre des mineurs, établi par la liste des licences, donne un peu plus de 100 livres pour chacun ; or les frais d’existence peuvent être évalués à environ 60 livres.

Il en est donc de la Colombie comme des autres régions aurifères, à quelques exceptions près que le hasard ramène de loin en loin, et comme pour exciter la passion des chercheurs, l’existence des mineurs y est ingrate, et leurs gains n’apportent pas une compensation suffisante à leurs privations et à leurs fatigues. Aussi l’avenir de cette contrée n’est-il pas dans l’exploitation de l’or, mais plutôt dans le sage développement des autres richesses plus durables dont la nature l’a dotée. Nous avons vu qu’elle doit devenir, grâce à ses ports, l’entrepôt d’une partie du commerce du Pacifique, et que ses